Louane a un point commun avec Mylène Farmer : elle a chanté dans un Stade de France plein à craquer. Mais pas pour un show de deux heures : l’artiste originaire du Pas-de-Calais s’est contentée d’une chanson, ce samedi 15 mars, à la mi-temps du match France-Ecosse du Tournoi des six nations. Celle qui représentera la France, le 17 mai, à la Halle Saint-Jacques de Bâle, lors du 69e concours Eurovision de la chanson. Un mois et demi après l’annonce de sa participation, l’artiste a mis fin au suspense en dévoilant Maman, un titre inédit avec lequel elle tentera de faire mieux que Slimane l’an passé, qui avait fini à la quatrième place avec Mon Amour lors d’une édition marquée par de vives tensions géopolitiques.

Suspendue dans les airs, survolant la pelouse du Stade de France et une armée de tambours, Louane a misé sur une mise en scène volontairement marquante, à la fois sobre et spectaculaire – les sequins et les flammes faisant toujours leur effet. Tout en contraste pourtant avec l’émotion de la chanson, dans laquelle elle rend hommage à sa mère, décédée en 2014, et où elle aborde le deuil traversé lorsqu’elle était adolescente : «J’ai bien changé, j’ai bien grandi. /De toi j’ai gardé tout ce qui fait qui je suis. /Je vais mieux, je sais où je vais. /J’ai arrêté de compter les années.» C’est aussi sa propre maternité que l’artiste a décidé de chanter («Maintenant c’est moi qu’elle appelle Maman») jusqu’à la conclusion de la performance où la voix de sa fille résonne dans l’enceinte du stade.

Ces dernières semaines, Louane avait largement entretenu le flou sur le titre choisi. «C’est une chanson particulière pour moi, elle est très personnelle. C’est à la fois mon univers musical et, bizarrement, c’est sans précédent», s’était-elle contentée de dire auprès de Libération. Mantra qu’elle a répété au cours de toutes ses interviews. Si rien de plus n’avait filtré jusqu’à ce samedi soir, Louane, longtemps discrète sur son histoire personnelle, avait néanmoins esquissé un hommage à sa mère. Dans une vidéo publiée sur ses réseaux sociaux le 30 janvier, la voix de l’artiste, accompagnée de photos de famille, évoquait le souhait de sa mère de la voir sur la scène de l’Eurovision : «Tu rêvais de m’y voir maman, sans savoir que ça pourrait arriver un jour. […] Alors, tu sais quoi : je vais le faire pour nous, je vais le faire pour nos rêves.»

Si les parieurs en ligne seront sans doute sensibles à la mise en scène hors norme offerte par le Stade de France, la cheffe de la délégation française, Alexandra Redde-Amiel, interrogée par 20 Minutes, avait prévenu que la scénographie présentée à Bâle serait «très différente». La performance de Louane apporte toutefois la preuve que France Télévisions a encore un peu plus peaufiné sa stratégie pour mettre fin aux quarante-huit ans sans victoire française au concours musical – et libérer l’Oiseau et l’Enfant de Marie Myriam. D’abord, en choisissant une artiste établie et populaire, et donc capable de susciter le soutien du public français. Mais c’est surtout avec cette prestation façon Super Bowl que la délégation française entendait marquer les esprits. Le choix du Stade de France, pour dévoiler la chanson de Louane, lui offre ainsi une forte exposition, garantie par les 80 000 personnes présentes sur place et les millions de téléspectateurs du match de rugby. D’autant que cette année, contrairement à 2024, où le titre de Slimane avait été l’un des premiers à être dévoilés, la délégation française avait fait le choix du suspense, en étant la dernière à révéler sa chanson.

Les équipes de France Télévisions ont pourtant eu du mal à convaincre Louane. En dépit du rêve de sa mère et d’une vive passion familiale pour le concours, l’artiste découverte dans The Voice avait refusé par deux fois. Avant de donner son accord pour cette édition 2025, elle s’est assurée de l’accord de sa fratrie pour évoquer leur enfance, et surtout de leur soutien. Car, comme elle l’avait expliqué sur France Inter fin janvier, sa participation représente «un gros risque pour [sa] carrière», pouvant «remettre en jeu tout ce [qu’elle a]».

Mais après des années 2000 et 2010 compliquées pour la France, les bons résultats d’artistes établis, comme Amir, Barbara Pravi ou Slimane, ont sans doute pu la rassurer. Loin de l’image ringarde qui lui colle encore parfois à la peau, l’Eurovision offre aussi un tremplin pour de nombreux participants. Un enjeu que Louane a bien compris : «J’vais pas faire genre. J’y vais pour gagner», a-t-elle récemment avoué à Libération. Avant sa prestation au Stade de France, l’artiste se plaçait d’ailleurs dans le trio de tête des parieurs en ligne, avec la Suède et l’Autriche. Un bon présage. A l’image de l’équipe tricolore de rugby, gagnante du Tournoi des six nations, la France peut espérer réaliser un doublé avec une victoire, le 17 mai, cette fois au tournoi des 37 nations.