Un nouvel appel au boycott de l’Eurovision. Cette année, la participation de l’Irlande au télécrochet a été remise en cause par une lettre commune signée par plus de 400 artistes irlandais adressée à Bambie Thug, qui représente ce pays cette année, lui demandant de boycotter le concours en soutien à la cause palestinienne. Prévu en mai dans la ville suédoise de Malmö, l’Eurovision est secoué cette année par de vives tensions quant à la participation d’Israël, forçant l’Union européenne de radiotélévision (UER), les organisateurs, à réagir, en condamnant les campagnes menées en ligne contre la participante israélienne, Eden Golan.
Les 400 artistes irlandais demandent à Bambie Thug dans cette lettre ouverte de «tenir compte de l’appel des Palestiniens à boycotter le concours en raison de la participation d’Israël», ce qui reviendrait à se tenir «du bon côté de l’histoire», et non «du côté des oppresseurs».
«Je soutiens quiconque boycotte»
Parmi les signataires, de nombreux artistes bien connus du grand public irlandais, comme Frances Black, chanteuse et sénatrice, ou Siobhán McSweeney, actrice de la série Derry Girls. Mais aussi quelques afficionados de la compétition européenne, comme la candidate non sélectionnée Erica-Cody. Cette dernière avait déclaré à The Journal, site web irlandais d’informations : «Nous avons besoin de voir la même volonté qui avait été exprimée quand la Russie a envahi l’Ukraine, ça devrait être exactement la même chose.»
L’artiste non binaire a répondu vendredi au cours de l’émission américaine The Late Late Show : «Je soutiens quiconque boycotte. Je pense que si je n’étais pas dans la compétition, je boycotterais aussi», avant d’ajouter : «en définitive, sans nous qui sommes pro-Palestine, il y aurait moins de concurrence pour que l’autre camp [Israël, ndlr] gagne et il y aurait moins de solidarité là-bas».
Eurovision
Iel avait déjà signé un appel pour un «cessez-le-feu immédiat» et avait également, avec Erica-Cody, demandé qu’Israël soit exclu de la compétition. La lettre ouverte a par ailleurs salué sa volonté de «ne pas garder le silence», mais demande que son «vœu de solidarité soit sincère».
Soutien national à la Palestine
L’Irlande est aujourd’hui l’un des plus solides soutiens à la Palestine. Dès le 18 octobre 2023, le gouvernement a appelé à un «cessez-le-feu humanitaire immédiat» alors qu’Israël répondait aux attaques terroristes du Hamas en bombardant la bande Gaza. Le pays est également l’un des plus propalestiniens d’Europe, où 79 % de la population sondée estime que «les actions militaires d’Israël à Gaza constituent un génocide», selon une enquête d’opinion publiée le 2 février par l’institut Ireland Thinks.
Cieran Perry, conseiller municipal de Dublin, revenait fin mars sur ce soutien dans les colonnes du Monde. Il y expliquait la proximité entre son pays et la Palestine : «Il y a un lien historique entre la Palestine et l’Irlande : nous avions le même oppresseur, l’Empire britannique, et la même politique d’occupation.» L’Irlande a en effet été occupée par le Royaume-Uni jusqu’en 1922.
Situation délicate pour la télévision nationale irlandaise
La télévision nationale irlandaise (RTE), qui diffuse l’émission, est sous pression. Un premier appel au boycott avait émergé en décembre et, la semaine dernière, une pétition (5 000 signatures) demandant la non-diffusion de l’événement a été remise dans l’une des antennes locales de la chaîne. Pour tenter d’éteindre la polémique, un porte-parole de la RTE a déclaré à The Journal que le radiodiffuseur a «toujours abordé le concours Eurovision dans l’esprit dans lequel il a été fondé», soit comme un «concours apolitique conçu pour unir les peuples et rassembler les gens par le biais d’un amour partagé de la musique et du divertissement». Il a également fait savoir qu’aucun des diffuseurs publics de l’émission n’avait prévu de la boycotter.
Au-delà des frontières irlandaises, d’autres artistes se mobilisent en faveur d’un boycott de l’Eurovision, à l’image des Suédois. Une pétition rassemblant 1 000 signatures d’artistes a été publiée dans le pays le 29 janvier dans le premier quotidien national, Aftonbladet. «Accueillir des pays qui se placent au-dessus du droit humanitaire et les autoriser à participer à des événements culturels internationaux banalise les violations du droit international et rend invisible la souffrance des victimes», souligne le texte. De nombreux artistes islandais ou finlandais ont également lancé des pétitions, et ce malgré un amour historique pour ce télécrochet. En Islande, l’Eurovision avait représenté 98 % de part d’audience en 2017.