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Chansons

Françoise zarbi : 5 trésors cachés de la discographie de Françoise Hardy

Prolifique et touche à tout, la chanteuse a souvent pris des chemins de traverse, avec plus ou moins de succès. «Libé» revient sur cinq de ses coups d’éclats.
Françoise Hardy en 1967. (Jean-Marie Périer/Photo12)
publié le 12 juin 2024 à 19h42

Etonnez-moi Benoît (1968)

De retour d’un triple tour du monde, Hardy s’avoue à elle-même qu’elle n’en peut plus des concerts. Elle veut faire de son disque à venir un sacré truc, engage Gainsbourg pour Comment te dire adieu, se laisse gagner par la ferveur de la bossa (le Mésange, de Jobim et Buarque), adapte le Suzanne de Leonard Cohen et se laisse gagner par la folie d’une chanson délirante, «saugrenue» selon l’intéressée, de Hughes de Courson. Ce dernier, qui n’a pas encore formé Malicorne, fait la tournée des starlettes avec des chansons pseudo-marrantes coécrites avec son copain de khâgne Patrick Modiano, dont le premier roman, la Place de l’Etoile, vient d’être publié. «Etonnez-moi Benoît/ car de vous à moi/ cela ne peut pas durer comme ça/ c’est fou ce qu’on s’ennuie ici», grince nonchalamment Hardy sur un genre de ragtime alangui, et l’on s’étonnerait presque de cette salace cruauté qui surgit entre les cuivres, le sadisme sans y toucher dans une perfection pop diaphane.

Ocean (1972)

La collaboration avec Nick Drake – un album entier composé par le Britannique tragique pour la Française, idée du producteur Joe Boyd – restée lettre morte, il nous reste les deux reprises de son ami John Martyn, sur le beau, pluvieux If You Listen, le quatrième album de Françoise Hardy tout en anglais, enregistré en partie à Londres avec la crème du folk britannique dont Richard Thompson de Fairport Convention. Surtout la reprise de The Ocean, clé de voûte du Stormbringer de John et Beverley Martyn mué à la faveur du timbre de Hardy, son anglais décomposé, en une ballade enchanteresse et étrange.

Star (1977)

L’album s’appelle Star, Hardy fait la gueule sur la pochette, de toute façon en ce milieu de l’ère Giscard, elle passe ses journées à tirer les cartes en regardant les astres. Velléitaire, l’Hardy ? Sauf que Star s’ouvre sur Star, sept minutes de pur cafard folk sur l’état (désastreux) de celles et ceux qui s’aveuglent sous les spotlights et le syndrome de l’imposteur et dont on se demande bien ce qui a bien pu se passer dans la tête de la chanteuse pour qu’elle ouvre ainsi les vannes (les veines ?) en incipit de son seizième album – «moi j’aime bien les musiciens quand ils se défoncent jusqu’au matin». Bien sûr Star est une reprise, adaptation du Stars de Janis Ian, prodige derrière le tube At Seventeen, qui chanta la première cette ode dépression. Mais la VF de Françoise H est presque supérieure, par la grâce de son interprétation (intense) et des beaux arrangements (basse fretless, contrepoints de guitare en stéréo, cordes discrètes).

Minuit Minuit (1980)

Difficile de choisir un titre sur Gin Tonic, deuxième album réalisé en étroite collaboration textuelle avec Michel Jonasz après Musique saoule (1978), tant celui-ci est un véritable festival de calembours. Il y a Bosse, bossez, bossa et ses rimes en roue arrière (balai-brosse/fée Carabosse), le festival Ame s’trame drame («pique et pique et psychodrame») qui ferait rivaliser la belle boudeuse avec Boby Lapointe… Mais s’il ne faut épingler qu’un seul de ces moments de funk dans lesquels s’est jetée Hardy avec un succès inégal, on choisira Minuit Minuit : à califourchon sur une basse slapée des plus guillerettes (mais assombrie par la persistance bizarre d’un synthé qui traîne là comme une menace sourde), la chanteuse y dépeint la lose d’un retour chez soi une nuit de grève de la RATP. Et adresse, pour une raison mystérieuse, un appel à l’aide à «vous les barbus, vous les chauves», culminant dans ce cri des plus incongrus : «Chauve qui peut ! Oh la la, chauve qui peut !»

Dix Heures en été (1996)

L’album le Danger marque un nouveau come-back de Françoise Hardy qui n’avait plus sorti d’album depuis huit ans. Avec des chansons composées par Alain Lubrano et Rodolphe Burger, celle que Libé à l’époque (1996) nomme «la dame de la plus haute tour du rock français» y égrène dans des tons durassiens ses hantises, névroses, engouements et stases comme ce Dix Heures en été au climat d’orage intérieur ruisselant sur un jardin d’épines : «Le vain miroir /Qu’elle tend, les fards… /Le vent qu’elle vend…»