Cinq ans. Pas une semaine d’existence de plus, pas une de moins. Et un dernier album comme la plus mélancolique des promesses - un groupe se sabordant au moment où il trouvait enfin ce qu’il avait à dire de plus beau, et de plus juste. Quand le splendide Camoufleur est sorti en 1998, beaucoup découvraient tout juste Gastr del Sol, ce duo américain au nom beau et étrange comme une phrase de Finnegans Wake, et c’était déjà trop tard. En réalité les carrières de David Grubbs et Jim O’Rourke ne faisaient que commencer et leur discographie en commun n’attendait que d’être redécouverte : l’ébouriffant Crookt, Crackt, or Fly, math folk dissonant sorti de la cuisse de Charles Ives, ou Upgrade and Afterlife, symphonies électroniques fantastiques, Gershwin en lambeaux et americana dodécaphonique…

Il n’empêche que la fragmentation laissait toute une génération sur le carreau. Celle fraîchement convertie à l’avant-garde par ce nexus de gamins du cœur de l’Amérique du nord, en quête de sensations fortes après avoir tout donné dans le hardcore, dont on n’appelait pas encore la musique «post-rock». Les uns fondèrent Tortoise, les autres Gastr del Sol, tous voyaient la musiqu