Jusque-là, Giacomo Turra était un prometteur guitariste italien, petit prince à casquette d’un royaume numérique jalousement gardé : celui de la virtuosité virale. Un monde où les prouesses sur six cordes filmées dans l’intimité d’une chambre à coucher ou d’un home studio se jaugent à l’aune des likes sur Instagram et des vues sur YouTube, avant de se transformer en tournées mondiales et sponsorisation de tel fabricant de grattes, telle marque de cordes, etc. Ainsi, Turra, né il y a 28 ans à Milan, était, comme l’écrivait Guitar World, l’archétype du «bedroom player» devenu «Spotify star» (un de ses singles y culmine à 4,3 millions d’écoutes), invité à assurer la première partie de l’icône jazz George Benson et accueilli en VIP dans la mythique maison mère des instruments Fender.
La presse spécialisée s’enthousiasmait pour le parcours fulgurant de cet autodidacte éclos durant les confinements liés au Covid, passé «des concerts à la fête du lycée au club Paradiso à Amsterdam». Turra himself concédait la «bizarrerie» de son parcours, lui qui était encore il y a peu un «guitariste plutôt basique, pas mauvais, mais en aucun cas spécial», «incapable de lire une partition» et ignorant les gammes «en dehors de la pentatonique» – les cinq notes du blues – mais capable pourtant d’improviser d’onctueux solos jazz-funk infusés au b