Cet album n’a pas été fait sous champis. Il est important de le souligner tant les substances hallucinogènes étaient omniprésentes dans la fabrication du précédent et premier album de la chanteuse Greentea Peng, Man Made, paru en 2020. Cette fois, à défaut d’être le sempiternel album de la maturité, ce Tell Dem It’s Sunny est celui de la maternité. C’est surtout celui d’une artiste dont la vie aurait pu maintes fois basculer dans l’obscur mais qui, rattrapée au vol par la beauté, s’est recentrée sur des valeurs essentielles. Exit donc le qualificatif de R’n’B psychédélique qu’elle avait elle-même mobilisé pour qualifier sa musique, et la déglingue gratos. Place à une versatilité assumée et transformée en solide socle sonore. Ce nouvel album, comme son prédécesseur, passe par bien des états. Lancé par du dub, hérité des origines trinidadiennes de Greentea Peng, mais aussi taillé dans un rock électronique radical et habité par la soul music. Il y a là de nombreux effets, de nombreux croisements, dans une démarche tout à fait londonienne, celle qui consiste à mélanger toutes ses envies avec une cohérence dont les artistes britanniques ont le secret.
Tell Dem It’s Sunny est un disque d’une grande liberté. S’il raconte les regrets de son autrice par un chant souvent déchirant, il célèbre cependant la réparation et la rédemption. Au milieu des doutes qui rappellent la fragilité constante de Greentea Peng face aux démons de son passé, les messages d’espoirs surgissent. En cela, c’est un album pénétrant et émouvant. Il montre ce que les abus et la soif d’émancipation artistique peuvent coûter à qui les embrasse intensément et sans filet. Car Greentea Peng, derrière les tatouages et l’attitude joliment débonnaire, semble être consumée par une douleur que seule la musique permet réellement d’exprimer et que sa nouvelle vie de mère oblige à dompter. Elle le répète d’ailleurs à l’envi sur l’excellent I AM (Reborn) : «I am not who I was yesterday.» Bien entendu.
Greentea Peng Tell Dem It’s Sunny (Awal)
Vous aimerez aussi
Roots Manuva Bleeds (2015)
La verve du rap anglais dans toute sa splendeur. Une nouvelle façon de détourner les codes de ses genres de prédilection pour créer une musique tout autre.
Clipping Dead Channel Sky (2025)
Aux croisements du noise-rap, des sons glitchés et de la nostalgie des années 2000, voici un autre album sacrément libre paru en ce début d’année 2025.
The Aggrovators Johnny in the Echo Chamber (1989)
La perle dub du producteur Bunny Lee, une compilation de morceaux enregistrés par la formation dub jamaïcaine au mitan des années 1970. Mixée par King Tubby, s’il vous plaît.