Difficile de dire quelles sont réellement l’audience et la notoriété de Gruff Rhys en France. On a beau parler d’un type qui a enregistré plus d’une vingtaine d’albums (en groupe ou en solo) depuis les années 90, l’ancien chanteur des Super Furry Animals et de Neon Neon reste un phénomène britannique avant tout. Disons même gallois, tant il est attaché à la terre qu’il l’a vu naître, enregistrant un album entier dans sa langue natale, Mwng en 2000, et recevant le premier Welsh Music Prize pour le formidable Hotel Shampoo en 2011. Reste que tous les amateurs d’excentricité pop l’ont remarqué et l’apprécient.
Même sans chercher à comprendre ce qu’il chante (d’autant que quand c’est du gallois…), le filet de voix flegmatique de cet hurluberlu dégage instantanément un mélange de tendresse et d’autodérision. C’est un peu étrange à écrire, mais Gruff Rhys chante de manière «sympathique». Ses chansons sont tout aussi chaleureuses. En apparence extrêmement classiques, tout en restant résolument indie, c’est-à-dire jamais totalement «confortables» et résolument ironiques, elles sont un étrange mélange entre l’élégance académique d’un Burt Bacharach et une folie baroque teintée de psychédélisme nonchalant (si cela veut dire quelque chose). Un album de Gruff Rhys n’est jamais actuel, mais toujours moderne. Décalé, en quelque sorte. En cela, même s’il se prend moins au sérieux, il ressemble à Sean O’Hagan (leader des High Llamas), avec qui il partage le côté «secret bien gardé», la dimension «hors du temps» et l’exigence vaguement maniaque des arrangements léchés.
Cet impeccable Sadness Set me Free ne fait pas exception à la règle. Enregistré en trois jours en région parisienne (l’ami Gruff est du genre voyageur), même si les cordes et les chœurs ont été réalisés plus tard, ce nouvel album réjouira la poignée de fans qui le suivent. Quant aux autres, espérons que l’illumination viendra un jour au hasard d’un algorithme.
Gruff Rhys Sadness Set me Free (Rough Trade)
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