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Libération
Persona non grata

Italie : le concert de Valery Gergiev, chef d’orchestre russe pro-Poutine, annulé après un tollé

Le fervent soutien du Kremlin devait se rendre au Palais de Caserte le 27 juillet. Sa venue a finalement été annulée après une vaste mobilisation.
Le chef d'orchestre russe Valery Gergiev, le 6 septembre 2024 au théâtre Bolchoï de Moscou. (Alexander Nemenov/AFP)
publié le 22 juillet 2025 à 12h40
(mis à jour le 22 juillet 2025 à 12h41)

Faut-il séparer l’homme pro-Kremlin du chef d’orchestre ? En Italie, la question brûle les lèvres des politiciens et intellectuels depuis plusieurs jours. La controverse est née il y a quelques semaines, lorsque des médias locaux ont découvert avec effarement qu’un invité inhabituel figurait dans la liste des artistes programmés au festival Un’Estate da Re («un été de roi»), au Palais de Caserte, le 27 juillet.

Il s’agit du chef d’orchestre russe Valery Gergiev, superstar de la musique classique mais surtout fervent soutien de Vladimir Poutine, et persona grata auprès du Kremlin – qui lui a d’ailleurs accordé la direction du prestigieux théâtre du Bolchoï en 2023.

Sa venue au sein de ce splendide bâtiment classé au patrimoine de l’Unesco et ex-résidence royale des Bourbons a suscité un véritable tollé au sein de la société italienne. Tant et si bien que la direction du festival a finalement «décidé l’annulation du concert symphonique dirigé par Valery Gergiev», a-t-elle indiqué dans un communiqué succinct ne donnant pas d’explication à cette décision, le lundi 21 juillet.

«Je n’ai pas été informé» de l’annulation du concert, a réagi Valery Gergiev auprès de l’agence de presse officielle russe Tass, boycotté en Occident depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022 pour ne pas avoir dénoncé l’offensive contre Kyiv.

L’ambassadeur de Russie en Italie, Alekseï Paramonov, a de son côté jugé «triste» que «l’Italie subordonne sa politique culturelle aux exigences des Ukrainiens». Il a également fustigé les dirigeants occidentaux et leur «politique d’annulation de la culture russe», jugeant l’affaire «scandaleuse».

Des milliers de protestations

Il faut dire que la mobilisation contre le maestro russe a été massive. Une pétition appelant à son départ a récolté 19 000 signatures en à peine une semaine. Le Fonds de lutte contre la corruption (FKB) – organisation de l’opposant Alexeï Navalny mort en prison – a également annoncé le 11 juillet l’envoi de lettres au festival et aux ministres italiens de la Culture et de l’Intérieur pour demander l’annulation du concert.

Le ministre italien de la Culture, Alessandro Giuli, a lui-même déploré la semaine dernière l’invitation de Valery Gergiev, craignant qu’elle puisse transformer le festival en «une caisse de résonance de la propagande russe», alors que le gouvernement ultraconservateur de Giorgia Meloni a toujours affiché un soutien sans faille à Kyiv. Lundi, il a apporté son «soutien entier et convaincu» à la «décision libre» de la direction du palais de Caserte, qui selon lui «obéit à une logique de bon sens […] contribuant à la protection des valeurs du monde libre».

La veuve d’Alexeï Navalny, Ioulia Navalnaïa, a également publié une tribune demandant l’annulation du concert la semaine dernière dans le quotidien la Repubblica pour appeler à boycotter le chef d’orchestre. Celle-ci a salué lundi la décision des organisateurs. «Aucun artiste soutenant la dictature actuelle en Russie ne devrait être accueilli en Europe. C’est précisément grâce à des loyalistes au régime comme Gergiev que Poutine essaye de promouvoir une image d’homme respectable», a-t-elle estimé. Le FBK s’est également félicité sur Telegram : «Hourra ! Le concert en Italie est annulé. Les copains [du président russe Vladimir] Poutine ne devraient pas être en tournée en Europe comme si rien ne s’était passé.»

Diverses polémiques

Le maestro de 72 ans, partisan de longue date du président russe, avait déjà été boycotté en 2022 par des orchestres occidentaux pour ne pas avoir dénoncé l’offensive contre Kyiv. La proximité du maestro avec le chef du Kremlin, également lors de l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014, ainsi que sa participation à des concerts dans la région séparatiste d’Ossétie du Sud et à Palmyre avec l’armée syrienne soutenue par le Kremlin, lui avaient déjà valu des polémiques.

En mars 2022, l’orchestre philharmonique de Munich en Allemagne avait décidé de le congédier car il n’avait pas dénoncé l’invasion de l’Ukraine. Plusieurs orchestres et festivals en Europe et aux Etats-Unis avaient, eux, annulé leurs engagements avec le musicien.