Il scande, habité. «Nous les appelons ! Nous appelons les guerriers à prendre les armes, à mener la bataille !» Sa gorge prête à exploser, il invoque : «Wé lé yoooo, wé lé yoooo.» Et puis, comme une bourrasque qui se dissipe, ses traits s’apaisent, sa voix redescend d’un cran, puis d’un autre, puis d’un autre, lentement. Alors, apaisé, Jowee Omicil dépose ses mains sur son piano et plaque un simple accord. En jouant, les yeux maintenant clos, il explique : «Spirituellement, mentalement, littéralement, je visualise tout.» Un autre accord résonne. «Je mets de l’improvisation dans tout ce que je fais. Pour moi, si tu ne vis pas par l’improvisation, tu ne peux pas apprécier totalement la vie.» Il joue encore. «L’apprécier, c’est être totalement libre et ouvert, c’est ne rien… contrôler.» En proférant ce dernier mot, sa voix s’élève subitement, son regard prend feu à nouveau, comme s’il avait prononcé le nom d’un démon. Pour ce saxophoniste hors du commun, dont l’intensité transperce les écrans d’ordinateurs, cadres de cette interview réalisée à distance, la musique ne se distingue pas par les sons. C’est le corps entier qui joue, sans cesse. Ce sont les souvenirs qui jaillissent, les esprits qui se manifestent. Et les ancêtres qu’il convoque.
«Cette prière, c’est le tempo»
Car Jowee Omicil est certes né à Montréal il y a quarante-sept ans, mais son histoire a débuté en 1791, le 14 août plus précisément. Ce soir-là, dans le nord de Haïti, un groupe d’esclaves marrons s’est réu