Dans les rues de Bangkok, à l’arrière des tuk-tuks – ces bolides de tôle à trois roues, emblèmes de la ville – des visages androgynes à la blancheur quasi translucide fixent les passants. Des messages enthousiastes accompagnent ces affiches : «Bon anniversaire Suga», «Félicitations pour l’album solo, Rosé»… et autres déclarations enflammées aux stars de la K-pop, dont la popularité bat tous les records en Asie du Sud-Est. Depuis quelques mois, des groupes de fans se cotisent pour payer les chauffeurs de tuk-tuks afin qu’ils circulent avec un poster de leur idole collée sur leur grille arrière. Avant ça, ils préféraient s’offrir des espaces publicitaires dans le métro aérien, mais lors des grandes manifestations d’automne 2020 à Bangkok, le réseau du transport n’a pas soutenu la contestation étudiante. Au contraire, à la demande du gouvernement, les rames ont été suspendues, pour empêcher les jeunes manifestants de se rendre sur les lieux de rendez-vous. Les adeptes de K-pop n’ont pas pardonné : ils boycottent désormais le métro.
Une telle prise de position était jusqu’ici inhabituelle pour le public d’un genre musical totalement apolitique. Les tubes de K-pop évoquent le plus souvent la confiance en soi, l’amitié ou la société de consommation… rien de trop révolutionnaire en somme, d’autant qu’il faut savoir parler coréen pour tout comprendre. Le succès du genre repose plutôt sur la production sonore, des chorégraphies millimétrées et la mise en scène de la vie des art