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Protéiforme

Kirin J. Callinan: la diagonale du flou d’un inclassable musicien

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Le compositeur et interprète Australien, aux télescopages musicaux géniaux, sort un nouvel album et brouille définitivement son image. Hors normes sur scène, il sera pour quelques dates en Europe.
Kirin J. Callinan, interprète et compositeur australien. (Rahnee Bliss)
publié le 14 avril 2024 à 13h47

Quinze semaines de présence dans les classements de vente de singles en France en 1984, tout le monde s’en souvient, au moins vaguement : C’est lundi, rockabilly aux confins de la parodie, sur lequel Jesse Garon (de son vrai nom Bruno Fumard) égrenait les horreurs d’une semaine qui commence. «C’est lundi / Dans mon lit / L’est 11 heures / Mal au cœur / Mal dormi / Envie de pipi.» C’est ce que les Anglo-Saxons appellent une novelty song, une chanson-gadget, drôle, jetable, éphémère. Il y avait pourtant, pour qui savait le déceler, autre chose dans cette scie débilitante. Caché en son cœur profond, comme un code, un secret. Annoncé par sa construction même, qui ne comptait ni couplet ni refrain mais progressait à la manière d’une inexorable montée, au cours de laquelle le chanteur racontait, après son lundi, son mardi, puis l’intégralité de sa semaine. Et quand arrivait enfin le bout du week-end, au paroxysme de l’exaltation, avec l’abominable prescience de celui qui voit le cycle recommencer, inévitable, inexorable, Jesse Garon lâchait, d’une voix tremblante et terrifiée, tel un Sisyphe gominé : «Et soudain, c’est dimanche».

Moment tragique, effarant, aux proportions bibliques, dans une chanson qui était pourtant à peine plus qu’un gag. C’est comme si Hamlet, Nietzsche et Godzilla avaient débarqué dans un épisode d’Hélène et les Garçons, défonçant un mur, hagards et fous. Moment inouï qui contenait toute la promesse et le paradoxe du rock &am