«Prétendre que soutenir la cause palestinienne serait un trouble à l’ordre public est lamentable», assène Matthieu Pigasse dans un tweet, samedi 16 août. L’homme d’affaires engagé à gauche, propriétaire du festival Rock en Seine, répond sans pincette à la députée macroniste de la 8e circonscription des Français établis hors de France, Caroline Yadan. Celle-ci lui reproche l’invitation du groupe nord-irlandais Kneecap à l’événement culturel francilien, dimanche 24 août. Le trio originaire de Belfast subit de vives critiques ces derniers mois pour son soutien affiché à la Palestine et des vidéos controversées.
Caroline Yadan – qui défend la politique de Benyamin Nétanyahou – a contacté le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, dès le 4 août pour réclamer l’interdiction du concert de Kneecap. «La culture et la musique ne peuvent véhiculer l’apologie du terrorisme islamiste, le soutien au Hezbollah et au Hamas, ou encore les appels au meurtre, et la haine des juifs», martèle la députée. Elle fait allusion à une enquête en cours de la police antiterroriste au Royaume-Uni, après la diffusion de vidéos montrant l’un des membres du groupe brandissant un drapeau du Hezbollah, organisation classée comme terroriste outre-Manche.
«Dans un contexte de déferlante antisémite en France», la venue de la formation de hip-hop pourrait «favoriser la propagation de propos haineux, en faisant l’apologie du terrorisme, voir encourager la commission d’actes à caractères antisémites», développe l’élue macroniste.
Messages propalestiniens sur les réseaux sociaux
Les musiciens originaires d’Irlande du Nord qui scandent leurs morceaux en gaélique brandissent régulièrement des drapeaux palestiniens lors de leurs performances, et ont annulé plusieurs concerts, notamment au festival South by Southwest – sponsorisé par le ministère de la Défense américaine qui vend des armes à Israël – «en solidarité avec le peuple palestinien». Leur soutien affiché à la Palestine a provoqué l’annulation en cascade de plusieurs concerts, notamment à Berlin et aux Cornouailles, malgré le succès de leurs performances à Coachella et Glastonbury où ils ont projeté des messages propalestiniens et entonné des chants en solidarité du peuple gazaoui.
Engagement
Dans une publication sur Instagram en mai, le groupe a rappelé la situation déplorable à Gaza, «la famine», «les massacres», déplorant cette attaque du gouvernement britannique, «complice d’un criminel de guerre [Benyamin Nétanyahou]», et usant de son arsenal judiciaire pour «persécuter les artistes qui osent s’exprimer».
Une performance sous surveillance
En réponse à la requête de Caroline Yadan, Bruno Retailleau lui a assuré dans un courrier datant du 14 août, qu’il condamne «fermement les propos qui ont pu être tenus par ce groupe». Le ministre de l’Intérieur a également «chargé [ses] services d’être très attentifs à leurs expressions» durant leur performance, dimanche 17 août, au festival Cabaret Vert, à Charleville-Mézières (Ardennes). «Tout débordement sera immédiatement judiciarisé et, en lien avec le Préfet de Paris qui suit de près cette situation, tout élément susceptible de constituer un trouble à l’ordre public qui sera identifié donnera lieu à une interdiction de leur concert lors du festival de Rock en Seine», a lancé le locataire de la place Beauvau.
L’Observatoire Juif de France avait également saisi les autorités pour protester contre la venue du groupe irlandais dans le département du Grand Est. Le préfet des Ardennes a répondu à l’association, le 15 août, qu’il avait, à la suite de sa requête, «demandé et obtenu du manager du groupe Kneecap la production d’une lettre d’engagement de bonne conduite», après avoir pris connaissance de «certaines prises de position susceptibles de constituer des faits d’apologie du terrorisme et d’entraîner un trouble manifeste à l’ordre public».
«Moment rassembleur»
Contacté par Libération ce lundi, le Cabaret Vert assure que le concert de Kneecap ayant eu lieu le 17 août, «que les autorités compétentes ont autorisé», s’est déroulé «sans aucun débordement si ce n’est celui du plaisir partagé de la musique». «Le groupe est venu pour un moment rassembleur et leur prestation scénique a d’ailleurs été appréciée par un public nombreux et bon enfant», ont ajouté les organisateurs.
Contacté à ce sujet, le ministère de l’Intérieur n’a pour l’heure, pas souhaité s’exprimer. Même silence du côté de Rock en Seine. D’ores et déjà, la ville de Saint-Cloud, où se déroule le festival, a annoncé le 16 juillet retirer sa subvention de 40 000 euros à l’événement au motif de la venue du groupe.
Mise à jour : ce mardi 19 août, avec l’ajout de la réaction du festival le Cabaret Vert.