C’est un son qui vous prend aux tripes, un profond râle qui vient des tréfonds du Maroc. Tout en accents toniques et scansions ésotériques, il contraste avec le public venu l’écouter au Kick Off, à Casablanca, en cette veille de Mawlid, jour de naissance du prophète. Dans ce bar gavé d’écrans TV, où s’écoulent des images de foot, sport béni dans ce pays qui se prépare à recevoir la Coupe d’Afrique des nations en fin d’année et puis du monde en 2030, ces jeunes urbains sont happés par cette musique qui incite à joindre le geste à la parole, à frapper dans les mains en cadence et à partir en transe. Les jeunes femmes tournoient devant la scène tandis que certains collent des dirhams sur le front de Ghassan el-Hakim, chanteur et leader, lui glissant un billet doux ou lui demandant une spéciale dédicace. «Pourquoi cette musique, cette note, ce rythme, rend si fous les gens ?!» s’exclame celui qui, sous sa barbe drue, devient la nuit cheikha Houria. Son sourire en coin en dit long sur le plaisir de ces sentiments partagés qui plongent l’assistance au cœur d’une zone grise, un espace-temps ouvert à tous les improbables.
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Bienvenue dans le Kabareh Cheikhats, groupement d’hommes qui, avec leur mascara appuyé et des caftans colorés, honore une longue tradition dans le royaume, dont les femmes étaient les principales porte-voix : l’aïta (le cri) musique dans laquelle se niche une partie de l’âme marocaine. Pas un mariage sans invoquer ce que beaucoup comparent au blues, à l’image