Il est facile d’opposer Otto Klemperer (1885-1973), protégé de Mahler ayant fui l’Allemagne nazie et fait carrière à Los Angeles puis à Londres, à Eugene Ormandy (1899-1985), né à Budapest, également d’origine juive, mais mort américain, à Philadelphie, après en avoir dirigé l’orchestre pendant quarante-quatre ans. Le premier aurait été un moderniste austère, radiographiant les «classiques» d’une main de fer, tandis que le second, ganté de velours, aurait gravé des lectures quasi hollywoodiennes du répertoire romantique. L’intégrale des enregistrements de Klemperer rassemblés par Warner en deux coffrets, l’un pour le symphonique en juin, l’autre pour le lyrique et le sacré en octobre, et celle d’Ormandy avec le Philadelphia Orchestra, publiée par Sony – coffret mono en 2021, coffret stéréo en novembre, pour les années Columbia, en attendant un troisième dévolu à la période RCA – mettent toutefois à mal ces préjugés.
La Symphonie n° 3 de Brahms, issue du coffret mono d’Ormandy, et les n° 1 de Sibelius et de Chostakovitch, parmi la centaine de joyaux du coffret stéréo, ne manquent ni de nerf ni de tranchant, et sa version du Songe d’une nuit d’été, de Mendelssohn, est aussi cursive et fouillée que celle de Klemperer ; le sourire en plus. Inversement, la Cinquième de Tchaïkovski, dégraissée par Klemperer, privilégiant les cuivres du Philharmonia Orchestra sur ses cordes, n’est pas dénuée de souffle ni d’élan romantique, à l’instar de sa Neuvième