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Performance

Le pianiste virtuose Igor Levit va jouer jeudi à Londres une partition d’Erik Satie, répétée 840 fois

Pour la première fois, le morceau «Vexations» sera interprété par le pianiste allemand tel que l’a conçu le compositeur : 840 fois et sans interruption. Le concert d’au moins 16 heures, est prévu sur deux jours.
Le pianiste Igor Levit lors d'un concert à Hambourg, le 16 septembre 2024. (Georg Wendt/DPA. Picture Alliance. AFP)
publié le 23 avril 2025 à 17h10

Un chagrin d’amour ne dure pas que le temps d’un morceau. C’est pour cela que le pianiste Igor Levit va donner jeudi 24 et vendredi 25 avril à Londres un concert unique d’au moins 16 heures, en jouant des centaines de fois en solo «Vexations» d’Erik Satie (1866-1925). Un morceau composé après sa rupture avec Suzanne Valadon, peintre dont les œuvres sont exposées au centre Pompidou en ce moment. Il s’agissait de sa seule et unique «liaison amoureuse», selon les mots d’Erik Satie. Dévasté par cette séparation, le compositeur se console en créant cette œuvre dont le mode d’emploi est plutôt singulier.

Il s’agit d’une partition d’une seule page destinée à être jouée 840 fois d’affilée, selon les consignes du compositeur. Elle se traduit ainsi par une performance d’une durée de 16 à 20 heures. Habituellement, plusieurs pianistes se succèdent pour jouer ce morceau sans interruption. Mais Igor Levit, sous la direction de la célèbre artiste et performeuse Marina Abramovic, va jouer seul, «un exploit d’endurance» pour le centre Southbank, qui organise le concert. L’événement se déroule dans le cadre du festival londonien Multitudes consacré à la musique classique et débutera dans la matinée du jeudi. Les spectateurs pourront assister au concert soit pour une heure, soit dans sa totalité.

«Le temps cesse d’exister»

L’Allemand Igor Levit, qui est à 38 ans l’un des pianistes virtuoses de sa génération, avait déjà fait sensation en jouant «Vexations» dans son studio à Berlin pendant 20 heures d’affilée lors du confinement. L’objectif de cet événement filmé en direct était de lever des fonds pour les musiciens freelance touchés par la pandémie de Covid-19.

C’est la première fois qu’il va jouer ce morceau en intégralité en public. L’auditoire sera «témoin (d’un moment) de silence, d’endurance, d’immobilité et de contemplation, où le temps cesse d’exister», a commenté Marina Abramovic. Dans une interview au quotidien britannique The Guardian, Igor Levit a encouragé son public à «se laisser aller». «C’est juste un espace vide, alors plongez dedans», a-t-il dit.

«Igor interprète «Vexations» avec des répétitions infinies, mais une variation constante», poursuit Marina Abramovic. Proche du pianiste, elle avait déjà collaboré avec lui en 2015, lors d’une interprétation des Variations Goldberg à New York, en repensant les conditions d’accueil du public. Celui-ci devait par exemple, avant d’entrer dans la salle de concert, se dépouiller de tout objet distrayant (téléphone, montre, etc.). Pour cette nouvelle représentation, «mon rôle est de préparer le public à cette expérience unique», précise l’artiste serbe de 78 ans. De quoi attiser la curiosité, car cette dernière est connue pour ses performances qui poussent les spectateurs dans leurs retranchements.