«Mon message, c’est l’amour.» Déjà connu pour son engagement sur la scène internationale, le rappeur Macklemore a franchi une nouvelle étape : il a annoncé dimanche 25 août annuler son concert prévu en octobre à Dubaï, aux Emirats Arabes Unis, montrant ainsi son opposition à la politique du pays quant à la guerre au Soudan. Via un long texte publié sur Instagram en plusieurs extraits, il a mis en avant «le génocide et la crise humanitaire en cours dans la région» et «le rôle des Emirats Arabes Unis dans le financement [des Forces de soutien rapide (RSF)]», une unité paramilitaire qui s’est rebellée contre l’armée en avril 2023.
Le rappeur de 41 ans explique «ne pas prendre cette décision à la légère», et l’avoir mûrie après «de nombreuses conversations avec des organisateurs de confiances et des amis, ainsi que [ses] propres lectures et recherches». Il décrit la «crise au Soudan catastrophique» : «plus de dix millions» de personnes déplacées, des «millions» de personnes faisant face à la famine, une «violence sexuelle très répandue», et «au moins 150 000 vies perdues, dont des milliers d’enfants». Alors, «si je prends l’argent, tout en sachant que je ne suis pas d’accord avec ça, en quoi suis-je différent des politiciens contre lesquels j’ai activement protesté ?», se demande-t-il.
Bien que désolé de «décevoir les fans», il pose une ligne rouge dans sa déontologie personnelle : «Tant que les Emirats Arabes Unis ne cesseront pas d’armer et de financer les RSF, je ne chanterai pas là-bas». Il explique également avoir décidé de poser la limite au gouvernement de ce pays en particulier car «la situation au Soudan est urgente, horrifiante et passe largement inaperçue».
Le 20 juin dernier, Christos Christou, président international de Médecins sans frontières, alertait sur X : «Le pays est marqué par l’une des pires crises que le monde ait connues depuis des décennies.» Le patron des forces de défense soudanaises, le général Abdel Fattah al-Burhan, auteur d’un coup d’Etat en octobre 2021, s’oppose au général Mohamed Hamdan Dagalo, dit «Hemetti», ex-numéro 2 du régime et leader des RSF, une unité paramilitaire autonome qui refuse de rentrer dans le giron de l’armée nationale. Depuis, le bilan humanitaire est catastrophique. L’ONU alerte notamment qu’«une génération entière pourrait être détruite», tandis que le Programme alimentaire mondial (PAM) au Soudan s’inquiète de «la plus grande crise de la faim au monde».
Données
Le rôle des Emirats Arabes Unis dans ce conflit a notamment provoqué quelques tensions à l’internationale. Le 13 juin dernier, lors d’une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU, l‘ambassadeur soudanais a accusé les Emirats arabes unis d’être responsables de la poursuite de la guerre dans son pays, une accusation catégoriquement rejetée par le représentant émirati. En décembre dernier, Clément Deshayes, chercheur à l’Institut de recherche pour le développement, expliquait à Libération : «Abou Dhabi cherche surtout à étendre son influence autour de la mer Rouge. En soutenant les RSF, les Emirats s’offrent, à un coût minime pour eux, des billes dans le futur jeu politico-sécuritaire soudanais.»
Artiste engagé
La dénonciation de la crise humanitaire au Soudan n’est pas la première prise de parole engagée de Macklemore. En mai dernier, l’artiste avait diffusé Hind’s Hall, un morceau en soutien à la population gazaouie. Il avait annoncé que tous les bénéfices ont été versés à l’UNRWA, l’agence des Nations Unies dans l’enclave. Dans sa publication Instagram annonçant l’annulation de son concert à Dubaï, il explique : «le sort du peuple palestinien a réveillé le monde».
Celui qui s’est dit «longtemps vivre dans un endroit où l’on haussait les épaules» raconte que «l’évolution» de «notre analyse collective» est le début. «Nous sommes appelés en ce moment à défendre les plus marginalisés dans le monde. A mettre de côté nos luxes et nos richesses pour la recherche de la liberté et de la sécurité pour tous», appelle-t-il.