Menu
Libération
Electro

Comment Lee Gamble fait (bien) chanter les IA

Article réservé aux abonnés
Dans son dernier album «Models», le musicien électronique anglais fait chanter le virtuel en intégrant des voix spectrales créées par l’intelligence artificielle. A l’arrivée : sept chansons superbes, intoxicantes d’un disque limpide et nébuleux.
Le musicien anglais Lee Gamble. (Filip Preis)
publié le 21 novembre 2023 à 4h36

On appuie sur «play» et quelque chose surgit. Au milieu du tapis ou derrière l’un des hauts rideaux de la salle de bal, une voix ou plusieurs, presque un chœur, entourées d’une brume, d’une traînée d’incertitude. Quelque chose est chanté, des mots qu’on distingue à peine, suivis de près par l’écho d’un orgue d’église. Pas la peine d’écarquiller les yeux, ils, ou elles, n’ont aucun corps, n’en ont jamais eu. Des fantômes ? C’est tout comme, pourrait revendiquer Lee Gamble, musicien électronique anglais qui s’est fait connaître avec un court album (Diversions 1994-1996) dans lequel il tentait, par le recyclage de fragments de sons dénichés sur des vieilles cassettes enregistrées depuis un poste de radio, de faire ressurgir les esprits perdus de l’âge d’or des raves anglaises. Sauf que les spectres de Models surgissent exclusivement par le biais de la technologie.

Exit le spiritisme de la rave, bienvenue aux IA. «Début 2019, aux côtés de Joseph Colonel, programmeur spécialisé en intelligence artificielle, je me suis mis à élaborer des systèmes numériques permettant de restituer la voix chantée», raconte Lee Gamble dans «Espace double», texte publié dans la bien titrée revue Spectres. Grâce à l’apprentissage automatique, nous avons constitué un ensemble de réseaux de neurones qui apprennent, imitent ou simulent une donnée en entrée, pour tenter ensuite de restituer ce qui a été appris sous forme de nouveau signal audio. En somme, un système de simul