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Les proches du chanteur russe Vadim Stroykin, défenestré le 5 février, contestent la version officielle de sa mort

Guerre entre l'Ukraine et la Russiedossier
L’artiste se serait jeté par la fenêtre mais ses amis, interrogés par le quotidien «The Guardian» remettent en question ce récit, et martèlent qu’il aurait été assassiné pour ses positions politiques critiques envers le Kremlin et pour son soutien à Kyiv.
Vadim Stroykin, auteur-compositeur-interprète russe de 59 ans, aurait été tué par le Kremlin selon ses proches. (Irina Isaeva)
publié le 17 février 2025 à 14h51

Son crime ? Avoir fait un don à l’armée ukrainienne. Pour ses proches, c’est la raison pour laquelle Vadim Stroykin, auteur-compositeur-interprète russe de 59 ans, aurait été tué par le Kremlin. La version officielle leur paraît ubuesque. Elle raconte que dans la matinée du 5 février, un commando des services de sécurité russes s’est rendu à son domicile à Saint-Pétersbourg, dans le cadre d’une enquête menée sur ce fameux don. L’artiste se serait ensuite rendu dans sa cuisine, prétextant prendre un verre d’eau, pour finalement se défenestrer. Et le rapport de conclure à un suicide, sans lien avec l’investigation menée à son sujet.

Une version contestée

Une douzaine de ses amis proches interrogés par The Guardian réfutent collectivement cette version des faits. «Vadim n’est pas le genre de personne qui ferait ça de lui-même, je ne crois pas du tout à la version officielle», affirme l’un d’eux, Philip Buckup, proche de l’artiste depuis une trentaine d’années. «Il était très sûr de ses idées, il n’avait pas peur de la prison. Je pense que c’est la police qui l’a poussé dehors», avance-t-il.

«Il avait de grands projets, il aimait tellement la vie, j’ai du mal à croire qu’il pourrait faire cela», a confié à son tour Florida Vovsi, une amie de longue date de Stroykin. «Nous ne savons pas ce qui s’est passé, mais je pense qu’ils l’ont «aidé»». Selon ses proches, le corps de l’artiste n’a d’ailleurs pas été rendu à sa famille, ajoutant de nouvelles interrogations liées aux circonstances de sa mort.

Opposé à Vladimir Poutine

En 2022, peu après le début de la guerre en Ukraine, Vadim Stroykin s’agace sur les réseaux sociaux : «Cet idiot [Poutine] a déclaré la guerre à son propre peuple ainsi qu’à une nation sœur. Je ne souhaite pas sa mort ; je veux le voir jugé et mis en prison». Ses amis assurent que son état s’est ensuite détérioré. Philip Buckup évoque son «sentiment d’isolement» et raconte qu’il «s’est mis à boire». Un autre ami raconte que l’artiste envisageait même de fuir vers l’Europe. En dépit de son moral en berne, il avait, selon ses amis, une foule de «projets» pour l’avenir, ainsi qu’une «carrière florissante». Il est l’auteur de plusieurs ouvrages dont un sur ses voyages qu’il voulait adapter en film, et a sorti un album en 2016. Il avait créé son école de guitare à Saint-Pétersbourg, et donnait aussi des cours en ligne à des étudiants du monde entier.

Vadim Stroykin rejoint la longue liste des opposants à Vladimir Poutine morts dans des circonstances mystérieuses. Ce fut le cas de l‘ex-agent des services secrets russes, Alexandre Litvinenko intoxiqué par du polonium ou encore de la journaliste Anna Politkovskaïa abattue dans l’ascenseur de son immeuble. Et depuis le début de la guerre en Ukraine, les décès suspects d’oligarques et d’hommes d’affaires se sont multipliés, la plupart occupant des postes clés dans quelques-unes des entreprises les plus importantes du pays. Plusieurs chefs de guerre ou dirigeants du Donbass (région de l’est de l’Ukraine) ont également trouvé la mort dans des assassinats tout aussi louches.