Cet article a été initialement publié dans Libé le 29 avril 1980.
Je ne me rappelle pas avoir éprouvé une surprise pareille à celle que j’ai ressentie écoutant pour la première fois The Residents. Derrière le voile opaque de l’anonymat se cachaient des malins absolus dévoués à la diffusion d’une très particulière beauté putréfiée. Pochettes soignées, design enlevé, compositions léchées : cette fois enfin, vigueur et santé insolente se plaçaient au service d’une imagination débridée (ainsi que détraquée). Et pourtant je n’ai jamais écrit jusqu’ici une seule ligne sur les Residents : je n’ai jamais su, en fait, par quel bout les prendre.
Bien sûr les histoires extraordinaires propagées par Ralph Records, la compagnie discographique des Residents, sont alléchantes et habiles mais elles n’ont pas réussi à combler le terrible handicap de ce quatuor en folie : son originalité totale, sa puissance d’invention. Il y a un son Residents, un rythme Residents, une esthétique Residents, un style Residents que l’on découvre avec délectation dans chacune de leurs nouvelles pochettes surprise. Eskimo, paru l’an dernier, est sans doute leur meilleur album. Quoique le plus difficile par son humour très privé et son parti pris de (faux) documentaire. Viennent ensuite dans l’ordre de mes préférences : Duck Stab (avec deux très belles chansons : Bach is dead et Constantinople), Fingerprince, Third Reich and Roll (rigolade saignante, les Resid