Et si regarder dans le rétro était l’unique moyen pour les «vétérans» électroniques de continuer à exister ? Dans un univers techno gagné par une accélération insensée des BPM, les quinquagénaires encore attablés derrière leurs machines ou leurs platines ont plus à perdre qu’à gagner à suivre le mouvement. Il en va ainsi de l’Allemand Michael Mayer. Cofondateur et tête pensante de Kompakt, drôle de maison sise à Cologne, qui héberge un label, une structure de distribution, des studios ou encore un magasin de disques, remixeur couru et DJ hors pair, il a passé plus de temps ces vingt dernières années à s’occuper de la musique des autres que de la sienne. Ce qui explique un rythme de production assez lâche, The Floor is Lava n’étant que son quatrième album, huit ans après le très pop et collaboratif &, et aussi le soin maniaque apporté au moindre son sorti de son studio. Lucide, Michael Mayer semble avoir abandonné l’idée que son apport à la scène électronique allemande allait révolutionner quoi que ce soit, et il est vain d’imaginer les foules de clubbeurs lever une forêt de bras à l’écoute d’un extrait de The Floor is Lava, œuvre d’un DJ qui avoue vite s’ennuyer.
Et pour tromper l’ennui, Mayer, fidèle à l’esprit de son label, est parti à la recherche d’un équilibre précaire, entre mélancolie et dancefloor. Ici, le passé (les références à Pal Joey, électron libre de scène house new-yorkaise des années 1980 et 1990, ou aux Rockers Hi-Fi, piliers du dub électronique cool à l’anglaise, sur l’ouverture The Problem) vient se frotter à des sonorités plus contemporaines, sans que le résultat ne verse dans la nostalgie ni sonne tout à fait moderne. En bon artisan, Michael Mayer reste dans son couloir, donne dans l’intemporel, mais maîtrise son ouvrage. Il s’amuse en samplant une voix lisant Goethe (le brumeux Süßer Schlaf), passe d’une techno épurée à une piste plus rêche dans un même élan, se frotte à des effets plus trancey (The Solution) et à la pop, s’amuse avec des boucles de guitare ou d’autres plus «dubby». Classique par certains aspects, protéiforme aussi, The Floor is Lava est surtout d’une élégance folle.
Michael Mayer The Floor is Lava (Kompakt)
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