Ses mains, qu’elle agite assez peu quand elle vous parle, sont son premier instrument. Premier paradoxe de Michèle Bokanowski, qui s’est mise à la musique concrète, art de sculpture et de composition des sons fixés, pour pouvoir mettre les mains dans l’éther musical. Née en 1943 à Cannes, fille d’une musicienne et d’un écrivain, ce fut pourtant, pour elle, une évidence : écrire à partir du son, des sons, de ceux du pianiste Gérard Frémy aux voix de ses enfants. Dès 1972, après un stage à l’inévitable Groupe de recherches musicales (GRM), haut lieu de la musique électronique de recherche fondé par Pierre Schaeffer, Michèle Bokanowski a trouvé son art et sa manière, avec trois fois rien et un langage de composition reconnaissable entre mille, à la fois rigoureux et évident.
C’est le deuxième grand paradoxe de la compositrice, qui a tourné le dos à la composition instrumentale pour greffer à la musique concrète des éléments qui jusque-là, pour ainsi dire, en avaient été exclus – thème, cadences, mélodies. Œuvres hybrides, Pour un pianiste (1973), l’Ange (1980), plus tard l’Etoile Absinthe ou Rhapsodia, toutes incroyablement accessibles et fabuleusement poétiques, malaxent à même la bande piano, cordes, orgue et synthétiseur et font écho, par dessein ou par accident, à la musique répétitive américaine, à la mu