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Libération
Disparition

Mort de Garth Hudson, dernier pilier de The Band

Célèbre pour ses nombreuses collaborations, notamment avec Bob Dylan, le multi-instrumentiste à l’influence indéniable dans le paysage nord-américain est mort mardi à 87 ans.
Garth Hudson. (Richard Corkery/NY Daily News. Getty Images)
publié le 22 janvier 2025 à 14h37

Garth Hudson, pas compliqué de décrire son icône : c’était le père Noël avec le chapeau de Crocodile Dundee. Pour ce qui est du reste, son indéniable influence et son parcours aux ramifications multiples, ça demande quelques lignes de plus. Celui qu’on connaissait essentiellement comme le dernier membre vivant de The Band, formation majeure aux confins des genres (folk, rock, jazz, country) et des frontières (Canada et Etats-Unis) est mort le 21 janvier à 87 ans, barrant définitivement un des chemins les plus fertiles apparus sur la carte de la musique nord-américaine durant ces soixante-dix dernières années.

Arrangements trépidants et mises en scène impossibles

De The Band, beaucoup connaissent a minima l’album sans titre de 1969, les accointances, nombreuses, avec Bob Dylan ou The Last Waltz, le film-concert de Martin Scorsese. Une bonne partie saura prononcer sans bégayer le nom de Robbie Robertson, chanteur, guitariste et principal compositeur du groupe, mort en 2023, à qui l’on doit aussi plusieurs musiques de film (avec Scorsese, toujours – la Couleur de l’argent, The Irishman, Killers of the Flower Moon). Avant lui étaient partis le batteur Levon Helm, le pianiste Richard Manuel et le bassiste Rick Danko. Seul restait à bord le multi-instrumentiste Garth Hudson (claviers, accordéon, cuivres). Celui, ironiquement, dont le nom circulait le moins, malgré sa dégaine picaresque et tout ce qu’il a apporté au groupe – ces saxos funèbres, ces arrangements de cuivres trépidants (sur le classique Ophelia, notamment), ces mises en scène impossibles (les ambiances marécageuses d’Up on Cripple Creek qu’il avait créé en branchant une pédale wah-wah sur un clavinet).

Né en 1937 à Windsor, au Canada, dans une famille de musiciens, Garth Hudson a appris très jeune à jouer de nombreux instruments et s’est produit sur scène dès l’âge de 12 ans, d’abord dans les églises locales, avant d’enchaîner très vite groupes et tournées. C’est lors d’une date avec Paul London and the Capers qu’il est accosté par Levon Helm pour rejoindre The Hawks, le groupe qui accompagne alors Ronnie Hawkins, chanteur rockabilly de Toronto. Hudson refuse, s’estimant trop doué pour ce groupe bas du front et pas vraiment à l’aise avec le monde du rock, que ses parents réprouvent. Mais Hawkins et Helm insistent et Hudson finit par céder, à deux conditions : qu’ils lui achètent un nouvel orgue et qu’ils le payent 10 dollars la semaine pour qu’il leur apprenne à chacun à un peu mieux jouer. Le reste est, comme on dit, de l’histoire : débauchés par Bob Dylan, dont ils deviennent le groupe entre 1965 et 1967, prenant part aux sessions de Blonde on Blonde, The Hawks se renomment en 1968 The Band, nom générique sous lequel ils signeront sept albums studio, tous devenus des classiques, et trois disques avec Bob Dylan (Planet Waves, The Basement Tapes et le live Before the Flood, récemment étendu sur un coffret gargantuesque de 27 disques).

Carrière solo tardive et extrêmement discrète

Un parcours dont Garth Hudson sera une figure permanente, jusqu’au concert final du groupe en 1976 au Winterland Ballroom de San Francisco, immortalisé par Martin Scorsese. Hudson continuera par la suite dans les nouvelles itérations du groupe, dépourvues de son élément central, Robbie Robertson, avant d’entamer une carrière solo tardive et extrêmement discrète au début des années 2000. Il fera également partie de Burrito Deluxe, «prolongation» des Flying Burrito Brothers menée par «Sneaky Pete» Kleinow, légende de la pedal steel. Coordonnera en 2010 la formation d’un groupe hommage à The Band uniquement composé de musiciens canadiens, parmi lesquels Neil Young et des membres des Cowboy Junkies. Et collaborera à plus de 300 enregistrements avec, entre autres, Leonard Cohen, Bob Dylan, Van Morrison, Tom Petty et Marianne Faithfull, qui lui vaudront un Lifetime Achievement Award aux Grammys en 2008. On vous avait prévenu : ça prendrait quelques lignes.