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Disparition

Mort de Joséphine Markovits, figure de la création musicale

Directrice musicale du Festival d’automne, la programmatrice s’est éteinte le 18 avril des suites de la maladie de Charcot. Elle avait notamment permis à la création pharaonique d’«Einstein on the Beach» de Philip Glass de s’imposer en France.
Joséphine Markovits (Vincent Pontet)
publié le 23 avril 2024 à 19h56

Joséphine Markovits fut l’une des figures d’une manifestation phare de la vie culturelle française : le Festival d’automne, initié en 1972 par Michel Guy, dont elle fut d’abord l’attachée de presse avant de prendre les rênes, en 1976, de sa programmation musicale.

Etablir la liste des musiciens et artistes ayant bénéficié de son soutien est impossible, chaque édition ayant apporté son lot de découvertes – des minimalistes américains Philip Glass, Steve Reich et Morton Feldman, aux musiciens africains et australiens – et de retrouvailles avec des figures de l’avant-garde européenne des années 60 comme Berio, Nono, Stockhausen, Xenakis et Scelsi. La force de la manifestation résidait dans son caractère pluridisciplinaire et son programme édité avec une rigueur et un souci esthétique remarquable, aiguisant la curiosité du public et facilitant du coup la réception de ses nombreuses propositions musicales parfois très audacieuses. Les portraits consacrés à des compositeurs contemporains, de Gérard Pesson à Olga Neuwirth en passant par Helmut Lachenmann et Mark Andre, ont ainsi offert à ces derniers une visibilité unique et parfois inespérée auprès de spectateurs de théâtre qui n’auraient jamais entendu parler d’eux sans le Festival d’automne.

Sens indéniable de la communication

Née au Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis), le 14 septembre 1946, de parents originaires de Hongrie, Joséphine Markovits avait d’abord travaillé dans l’industrie pharmaceutique en Allemagne, avant d’intégrer l’industrie du disque française et d’officier comme attachée de presse des Journées de musique contemporaine, organisées à Paris par Maurice Fleuret. C’est là qu’elle avait développé une passion pour les artistes, qui fut cruciale dans le succès du Festival d’automne. Quoi que l’on pense de certains de ses choix esthétiques, force est d’admettre qu’elle les défendait avec une passion peu commune – elle assistait notamment aux répétitions des concerts qu’elle programmait pour répondre sur le champ à toute demande technique des compositeurs ou des interprètes – et un sens indéniable de la communication qui permit à des créations pharaoniques comme celle d’Einstein on the Beach, de Philip Glass et Bob Wilson, dévoilé au Festival d’Avignon à l’été 1976, et coproduit par le Festival d’automne, non seulement de s’imposer cette même année, mais également sur la durée, en France, du fait de ses reprises.

Si elle échoua à imposer nombre de ses coqueluches, ou d’artistes poussés par son réseau, car elle participait, en dépit de ses dénégations de l’establishment culturel, elle avait su voir le potentiel médiatique d’un George Benjamin à qui elle avait commandé Into The Little Hill, présenté à l’auditorium de l’opéra Bastille, et qui fit ensuite la carrière de compositeur lyrique que l’on sait. Atteinte depuis 2022 d’une sclérose latérale amyotrophique, également appelée maladie de Charcot, Joséphine Markovits avait quitté ses fonctions mais continuait à prodiguer ses conseils au Festival d’automne. Elle s’est éteinte le 18 avril dans un hôpital parisien.