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Libération
Disparition

Mort du chanteur Sam Moore, de toute sa soul

Connue pour son duo Sam & Dave et la chanson «Soul Man», une grande voix soul de l’Amérique est morte vendredi à 89 ans.
Lors du concert à l'Olympia en 1967. (Jean-Pierre Leloir/Gamma-Rapho)
publié le 12 janvier 2025 à 15h58

A l’annonce de sa mort à 89 ans, vendredi matin à l’hôpital de Floride où il avait été opéré, se télescopent deux hommages associés à Sam Moore. Celui de Bruce Springsteen d’abord qui rappelle que le chanteur, «une des plus grandes voix soul de l’Amérique», fut un compagnon de route du E Street Band. Mais aussi les images de la première investiture de Donald Trump, qui refont surface : en janvier 2017, le soul father, icône de l’âge d’or de l’Amérique des sixties, participa au concert Make America Great Again au Lincoln Memorial, rappelant de fait un engagement bien ancien du côté des républicains. L’ironie de l’histoire veut que Springsteen, le boss du rock born in the USA, pour avoir été un des fervents soutiens du camp démocrate, ait été disqualifié la même année par Trump.

Bien entendu, si la longue carrière de Sam Moore ne se résume pas à cela, cette curieuse ambiguïté en dit long sur le personnage, ou plutôt sur le symbole que le natif de Miami incarnait dans cette Amérique fracturée de part en part. Près de soixante ans plus tôt, il était l’une des deux voix de Soul Man, un titre écrit par Isaac Hayes à la suite des grandes émeutes de Detroit qui n’était pas sans faire écho au fameux I’m a Man des droits civiques. Gravée sur le label Stax en 1967, cette chanson fera le tour de la planète, plaçant cette paire de chanteurs au top des charts.

Olympia surchauffé

Un an plus tôt, le duo s’était déjà classé au sommet avec Hold on, I’m comin’, un hit taillé dans le même style, une soul sudiste qui suinte autrement que Motown la langoureuse nordiste. Pour Sam Moore et David Prater, tous deux biberonnés de gospel et sevrés de doo-wop dans leurs jeunes années, c’est la consécration cinq ans après leur rencontre au King Of Hearts de Miami. Dès lors, ceux qui jusqu’ici galéraient dans les coulisses d’une gloire qui tardait vont enchaîner par des tournées où ils déchaînent les foules, passant notamment par ici, dans un Olympia surchauffé par leur show inspiré autant par Mick Jagger que James Brown. A tel point qu’ils sont surnommés «The Double Dynamite» alors qu’ils partagent la scène avec Otis Redding pour un raout planétaire baptisé en toute simplicité : Hit The Road Stax.

Las l’histoire tourne rapidement court, «le plus grand de tous les duos soul» selon le Rock and Roll Hall of Fame qui les a intronisés en 1992 ne retrouvera jamais la même flamme, alors qu’il se sépare une première fois, à l’entame des années 70. Malgré des reformations à répétition jusqu’à une rupture définitive en 1981 sur fond de batailles juridiques, la foi n’y est plus. De son côté, Sam Moore entame une carrière sous son seul nom, avec un premier disque qui sur le papier promet. Sous le haut patronage du saxophoniste King Curtis et avec un sérieux casting, dont Donny Hathaway et Aretha Franklin, l’album ne sortira finalement que trente ans plus tard sous le titre Plenty Good Lovin’ – The Lost Solo Album. C’est un flop. Un de plus, pour celui qui joue désormais la carte Vermeil. Plombé par l’héroïne, le ténor du duo – la voix la plus haute – ne s’est plus jamais remis dans le sillon du succès, se parodiant trop souvent, à l’image de son dernier disque où il trône en 2017 dans un costume digne d’un partisan de Donald Trump. Son titre pour le moins programmatique : An American Patriot.