Nessbeal croit savoir ce qui a suscité de la nostalgie à son endroit, plus de dix ans après avoir annoncé sa retraite : le petit truc qui fige l’attention dans ses textes, comme une chevalière sur un doigt minuscule. Il frotte son pouce contre son index : «Il y a toujours la petite chose où tu te dis que c’est travaillé. Quelque chose va forcément te piquer. Je bosse un minimum pour ne pas que tu dises “c’est nul”». Ça se joue parfois à trois mots, qui sortent par le col un couplet du ronron. On ne le contredira pas là-dessus : il sait y faire, qu’il chantonne un cerveau implosé de banlieusard (sa spécialité) ou qu’il rappe la nostalgie d’un sandwich au thon à la catalane (madeleine de Proust d’une tripotée de fils d’ouvriers). Sur sa retraite, il emprunte l’image de la baleine. Il l’a mimée : «Un jour, j’ai vu une vidéo. Quand elles en ont marre, certaines baleines peuvent se faire exploser. C’était pareil pour moi. Je m’étais auto-saoulé.» Boum.
Nessbeal était alors l’égérie du rendez-vous manqué et des crânes en quête d’or mais restés nus. Il s’est proclamé «roi sans couronne» tant qu’il a pu. Soit l’artiste sans récompense, hormis celle d’être cité en référence par des collègues et d’inspirer des «il n’a pas ce qu’il mérite» agresseurs d’ego. Voilà pourtant que Nabil Selhy, 43 ans et mains tatouées, s’est décidé à revenir. Quelques apparitions, très ponctuelles, avaient installé le doute ces dernières années. Il dit aussi que des