Il marchait avec l’aisance et l’obstination d’un hélicoptère, vous accueillait toujours avec une grimace qui dérapait très vite en un formidable rire d’alchimiste, un hululement dément, terrifiant moment de possession auquel on ne réussissait jamais vraiment à s’habituer. Bottines, jean noir, veste de couleur indéterminée couverte de poussière, des restes d’on ne sait quelle orgie. Un vague foulard en guise de cravate – pour la chemise, vous étiez prié de repasser, il ne portait souvent rien sous ses frusques sinon lui-même. Une dégaine de danseur de claquettes castillan qui se serait fait dépouiller au petit matin en revenant des fêtes patronales de Valladolid. En haillons, démoli, mais fier. Terriblement fier.
Persifflages nasillards
Né à Phnom Penh en 1970 d’un père français et d’une mère cambodgienne, Nicolas Ker avait embrassé le cirque rock’n’roll sans une once de retenue. Fou de Jim Morrison et Gene Vincent, il s’était, avec son groupe Poni Hoax imposé de manière très évidente au mitan des années 2000 comme l’un des chanteurs les plus effrontés et les plus impressionnants de la scène rock parisienne, alors atrocement moribonde, perdue entre les pantalonnades des baby rockers et l’electro-punk cuit à l’eau. Seul Poni Hoax avait alors, avec Frustration, su ramener tout ce qu’il manquait : l’aplomb, l’urgence, l’extravagance, le romantisme et une certaine forme de sincérité. Et Ker en était, pour le meilleur comme pour le pire, la vitrine, aléatoirement fascinant et agaçant, flamboyant et désola