Jusqu’à présent, celui qui voulait se plonger dans les premières œuvres de Nina Simone en était réduit à jouer au détective, traquant des disques introuvables depuis des années ou mis sur le marché sans grand respect des enregistrements sur des labels interlopes à la limite de la légalité. Tombés dans l’escarcelle du géant Warner Music, ses débuts magistraux, enfin réunifiés (et augmentés de quelques bonus), renaissent enfin aujourd’hui sur un label spécialisé en rééditions en tous genres, dans une édition soignée (mais abordable) qui leur rend justice.
Enregistrés à la charnière des années 1960, les huit albums de la jeune Eunice Kathleen Waymon vont imposer cette pianiste au destin contrarié, interdite de Conservatoire à cause de la couleur de sa peau, sur une scène jazz où la concurrence est rude. En l’espace de quatre années, cette écorchée vive à la voix grave va enregistrer à un rythme effréné pour Colpix, filiale du studio de cinéma Columbia Pictures, des classiques du jazz vocal comme The Amazing Nina Simone, le magnifique Forbidden Fruit, le bouleversant Folksy Nina, ainsi que des performances live captées au Carnegie Hall, au Village Gate ou à Newport. Les portes des labels Phillips puis RCA, où elle signera le meilleur de son œuvre, s’ouvriront alors à cette passionaria des droits civiques. Le reste, selon la formule consacrée, appartient à l’histoire.