Depuis le pont surplombant le fleuve Pärnu, impossible de manquer le Palais des concerts. Depuis quatorze ans, le chef Paavo Järvi y dirige un festival qui fait la part belle à la création contemporaine, à la pédagogie, et à la découverte d’ouvrages méconnus du répertoire, interprétés par un orchestre d’élite dont il a emprunté les musiciens à quelques-unes des meilleures phalanges internationales. Dans la foule endimanchée, on repère la compositrice Maria Korvits, semblant un peu nerveuse, à une heure de la première mondiale de sa nouvelle pièce. On la salue d’un : «“Merde”, comme on dit en France, ou “casse-toi une jambe”, comme disent les Américains.» A quoi elle rétorque : «Merci mais chez nous, on dit plutôt “une grosse pierre dans ton sac” ou “une arête dans ta gorge”.» Bienvenue en Estonie !
Le concert du soir, dédié à des œuvres chambristes, est en trois parties. Après le premier entracte, Martine Värnik, hautboïste, Paula Ernesaks, corniste, et Kärt Ruubel, pianiste, prennent place sur la scène. Intitulée irdrumine/sulam, que l’on peut traduire par «fusion/séparation», la pièce de Korvits n’a rien d’un trio ou d’une sonate classique et trahit un désintérêt égal pour la mélodie et l’harmonie. Elle commence par un la, hauteur de référence sur laquelle s’accordent généralement les musiciens. Mais un la joué plus ou moins juste et plus ou moins à l’unisson par les trois instrumentistes : façon de dire que la fusion n’est jamais gagnée. Puis les son