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«The Clash m’ont appris que les paroles n’étaient rien sans l’engagement et les actes. Quand Phil Collins écrit une chanson sur les sans-abri, si ça n’est pas accompagné d’actes concrets, c’est juste de l’exploitation. J’essaye de rester fidèle à ce principe.» Cet extrait d’un entretien donné en 2014 à l’hebdomadaire américain Entertainment Weekly résume presque Billy Bragg à lui seul. Un Ken Loach qui aurait préféré la guitare à la caméra, barde électrique doublé d’ardent activiste du parti travailliste anglais, Dylan de l’Essex incapable de choisir entre Woody Guthrie et les Sex Pistols, resté fermement accroché à l’arbre des protest songs.
Pris dans la tourmente punk de 1977, Billy Bragg a enchaîné les groupes comme ils devaient l’être à l’époque – spontanés et éphémères – avant de se retrouver seul avec une guitare aux cordes encore saturées d’énergie. Bricolant un étonnant mélange de punk et de skiffle (folk-blues rudimentaire, à base d’instruments de fortune), il fait la manche à Londres et finit par enregistrer un premier album pour un label au bord de la faillite. Un soir, alors que l’animateur radio John Peel annonce à l’antenne de la BBC qu’il est mort de faim, Billy Bragg lui apporte du riz biryani végétarien – en remerciement, Peel joue un extrait de son disque à la mauvaise vitesse. Erreur qu’il corrigera plus tard dans la soirée, marquant le début d’un indéfectible soutien.
Et d’un succès exponentiel pour Billy Bragg, qui verra en 1985 un de ses titres les plus emblématiques entrer dans le top 10 anglais, repris par la chanteuse Kirsty MacColl – A New England, deux minutes d’absolue perfection, cousin épuré et acide du Teenage Kicks des Undertones au message limpide, universel et intemporel («Je n’ai pas envie de changer le monde, j’ai juste envie de baiser», en substance).
Mi-boue, mi-velours
Suivront une dizaine d’albums, où les chansons, toujours férocement politiques, se cachent parfois derrière des mélodies implacables. Après des années d’ascèse minimaliste et enragée, il opérera à la fin des années 80 un virage vers une musique plus orchestrée, ajoutant à son cocktail Joe Strummer /Bob Dylan /Ken Loach un doigt d’Elvis Costello. C’est toutefois en 1998 que sortira son disque le plus largement acclamé, Mermaid Avenue, enregistré avec le groupe américain Wilco. Mariage parfait de fluidité entre son folk-punk socialiste plein d’usines qui ferment et de chômeurs au bout du rouleau et leur country rock mi-boue, mi-velours, tout en harmonies athlétiques et violons fous – la réussite sera telle que le projet connaîtra deux volets supplémentaires, en 2000 et 2012.
Toujours actif, sur disque comme au sein au parti travailliste anglais, il voit aujourd’hui la sortie de cette éléphantesque anthologie, The Roaring Forty, intégralité de ses enregistrements studio répartie sur 14 disques, accompagnés par un livre grand format regroupant les photos commentées de 40 objets ayant jalonné ce parcours de 40 ans, du flyer de son premier concert aux paroles manuscrites de A New England. Aucune trace, hélas, de sa recette du biryani végétarien.