A première vue, rien ne permet d’affirmer avec certitude que Raoul Vignal n’est pas Nick Drake – un Nick Drake revenu d’entre les morts pour s’installer dans le Beaujolais et qui porterait désormais la moustache, histoire de ne pas éveiller les soupçons dans le village. Quoique la ressemblance ne soit, en fait, pas tant physique que musicale. Quand on découvrait coup sur coup ses deux premiers albums, The Silver Veil et Oak Leaf, sortis en 2017 et 2018 sur le label bordelais Talitres, ça nous faisait un drôle de frisson : frisson d’aise dans ce bain à température optimale, sous la caresse de cette voix douce et le clapotis de ces arpèges de guitare entêtants, et, tout à la fois, frisson de stupeur comme si l’on était soudain entré en communication avec un trisaïeul chez une madame Irma qu’on aurait consultée juste pour la déconne. Si ce n’était pas Nick Drake, ça y ressemblait diablement. Il y avait cette même grande délicatesse dans le fingerpicking, un artisanat d’auteur-compositeur-interprète folk hors du temps, des structures étonnantes, moulées sur le texte, sans peur de l’échappée ni de la dissymétrie, et puis une même simplicité champêtre qui traversait certaines paroles.
En revanche, là où le Britannique, mort à 26 ans d’avoir gobé trop d’antidépresseurs, allait pêcher des tableaux allégoriques d’une noirceur radieuse dans des contrée