Si l’appellation apparaît souvent dans les chroniques de disques, au final dans notre pays, les artistes «inclassables» ne sont pas si nombreux que ça. Pourtant une certitude : Anaïs Thomas alias Bonnie Banane en fait partie. En 2012 son premier EP, intitulé avec humour Greatest Hits l’introduit plus grande prêtresse d’un R’n’B expérimental que véritable chanteuse. Déjà sacrément intriguant. Trois ans plus tard, l’EP Sœur Nature lance vraiment le phénomène. Mix franco-anglais tout au long de textes enfumés où se déploient surréalisme, poésie, et ironie au service d’une voix sensuelle et rocailleuse. Ça vient du cœur, mais aussi des tripes. La bande-son minimaliste organique et électronique n’appartenant pas à grand-chose de connu. Bon point. Ses accointances avec deux autres lutins atypiques Myth Syzer et Flavien Berger lui fournissent, grâce au premier, un featuring triomphal sur le Code et en compagnie du second, une ébouriffante performance live lors d’un hommage remarqué consacré à Areski & Fontaine lors de l’Hyperweek-end 2023 de Radio France.
Aujourd’hui, confirmation d’un talent certainement pas comme les autres avec ce second album. Son titre de travail Joie intense, tristesse profonde et angoisse mondiale traduit les sentiments que l’on éprouve à l’écoute de ces compositions véhiculant avec une intensité ludique, rébellion écologico-sociale et grand huit amoureux. Le tout parfois dans une même chanson. Imaginée avec ses deux complices Monomite et Janoya, la partition musicale, quant à elle, invente une électronique décadente (R’n’B futuriste, diront certains, mais c’est trop réducteur) jouant subtilement avec les dissonances au service d’un organe vocal renversant. La démonstration que contrairement aux idées reçues, Bonnie Banane, ce n’est pas de la blague. Plutôt de l’amour au service de toutes et tous. Et c’est elle qui l’affirme : «On a fait ce disque comme si c’était mon dernier. Emportez-le avec vous, qu’il vous porte bonheur où que vous alliez.» Fingers’ crossed.
Bonnie Banane Nini (Péché Mignon /Grand Musique Management)
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