Le photographe
«En grandissant à Manchester dans les années 80 et 90, nous avions beaucoup à explorer», explique le photographe Darren Holden. «Puis j’ai commencé à shooter les bâtiments abandonnés vers 2000.» Un fan d’urbex avant l’heure, pour qui le plaisir est de «documenter la beauté de ces bâtiments oubliés et délabrés», qu’il expose ensuite dans ses livres. «Il est difficile de décrire l’excitation d’explorer une centrale électrique pleine de turbines, un énorme hôpital, un asile ou la région de Manchester, qui était appelée Cottonopolis en raison du grand nombre d’usines textiles qui s’y trouvaient.»
L’image
«Ce cliché a été pris dans une usine textile mancunienne abandonnée, et a été accroché à la Modernist Gallery de Manchester, lors de CTRL-ALT-DEL, une exposition de mes photos d’ordinateurs obsolètes laissés dans les bâtiments abandonnés, précise Holden. Pour moi, l’image se distingue par la similitude de ses tons, cette vieille technologie et cette machine à café, laissées dans le même état que le jour où la dernière personne a quitté l’immeuble.» C’est à cet événement que Bob Stanley, l’un des trois musiciens de Saint Etienne, lui aussi mancunien, la découvre, avant de la proposer à ses camarades de jeu pour illustrer la pochette de leur nouvel album.
Le choix
Pour The Night, conçu comme la bande-son d’un état flottant entre endormissement et éveil, le lien entre musique et pochette n’avait rien d’évident. «Nous sommes dans le registre de la suggestion, explique Bob Stanley. C’est la fin de la journée, le travail est définitivement terminé. Nous avons commencé à chercher des photos de bâtiments abandonnés et nous avons fini par en trouver une magnifique d’une bibliothèque victorienne de Manchester, une bibliothèque Carnegie, construite comme beaucoup d’autres dans le pays dans les années 1890, avant l’avènement de l’État-providence et financée par une organisation caritative. C’était une image fantastique de l’escalier intérieur… mais nous nous sommes aperçus qu’elle ressemblait beaucoup trop à la pochette du premier disque de Mazzy Star, She Hangs Brightly. Nous ne pouvions pas l’utiliser. Et quand nous avons vu l’image de Darren Holden à son exposition au printemps dernier, elle s’est imposée d’elle-même. Magnifique, elle fonctionnait mieux, elle était plus nette, et illustrait parfaitement l’idée de fin définitive de la journée.»