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Performance

«Sancta» par Florentina Holzinger, nonnes de discorde

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En Allemagne, le spectacle extrême de la chorégraphe habituée à repousser les limites fait polémique depuis sa première. Reportage à l’opéra de Stuttgart et rencontre avec l’artiste et ses performeuses, qui ne cèdent rien sur la liberté de représenter le corps dans tous ses états.
«Beaucoup de gens ont du mal à accepter que se faire transpercer le corps est une forme d’art», souligne la performeuse Luz de Luna Duran. (Matthias Baus/Opéra de Stuttgart)
publié le 11 novembre 2024 à 16h00

Samedi 2 novembre, dans l’après-midi, la foule qui grouillait sur le parvis de l’opéra de Stuttgart pouvait difficilement ignorer cette grande banderole : «Nous prions pour l’expiation des blasphèmes commis à l’encontre de Dieu et de Sa sainte Eglise !» Derrière la bâche, une vingtaine de personnes périodiquement animées par une petite génuflexion et qui chantonnent en boucle d’une voix blanche : «Merci pour la croix, mon Dieu.» Addendum d’un homme en anorak à fourrure, sur une pancarte : «Jésus peut guérir ce que vous cachez !» Si seulement il faisait allusion au rhume qu’on couve depuis quelques jours, mais non, la triste troupe en veut à nos âmes, dont le salut semble compromis par ce à quoi on s’apprête à assister : Sancta, un spectacle de près de trois heures tiré du mini-opéra en un acte Sancta Susanna de Paul Hindemith et mis en scène par la performeuse et chorégraphe autrichienne radicale Florentina Holzinger.

Au moment de sa composition en 1921 déjà, l’œuvre de Hindemith reste non seulement en travers de la gorge du clergé mais aussi du chef d’orchestre censé en diriger la première. Sancta Susanna fait partie, avec Meurtrier, Espoir des femmes et le Nusch-Nuschi, d’un triptyque d’opéras expressionnistes en un acte et suit l’éveil au désir d’une nonne t