Samedi 2 novembre, dans l’après-midi, la foule qui grouillait sur le parvis de l’opéra de Stuttgart pouvait difficilement ignorer cette grande banderole : «Nous prions pour l’expiation des blasphèmes commis à l’encontre de Dieu et de Sa sainte Eglise !» Derrière la bâche, une vingtaine de personnes périodiquement animées par une petite génuflexion et qui chantonnent en boucle d’une voix blanche : «Merci pour la croix, mon Dieu.» Addendum d’un homme en anorak à fourrure, sur une pancarte : «Jésus peut guérir ce que vous cachez !» Si seulement il faisait allusion au rhume qu’on couve depuis quelques jours, mais non, la triste troupe en veut à nos âmes, dont le salut semble compromis par ce à quoi on s’apprête à assister : Sancta, un spectacle de près de trois heures tiré du mini-opéra en un acte Sancta Susanna de Paul Hindemith et mis en scène par la performeuse et chorégraphe autrichienne radicale Florentina Holzinger.
Au moment de sa composition en 1921 déjà, l’œuvre de Hindemith reste non seulement en travers de la gorge du clergé mais aussi du chef d’orchestre censé en diriger la première. Sancta Susanna fait partie, avec Meurtrier, Espoir des femmes et le Nusch-Nuschi, d’un triptyque d’opéras expressionnistes en un acte et suit l’éveil au désir d’une nonne t