S’il n’y avait qu’une chose à sauver dans la vidéo mise en ligne ce mardi midi par Eric Zemmour pour annoncer sa candidature à la présidentielle, ce serait sa bande-son. Certes parasité par une voix triste débitant un couplet aussi décliniste que galvaudé, le deuxième mouvement de la Septième Symphonie de Beethoven s’y fait entendre.
On peut rire de voir le chantre de la «France éternelle» utiliser l’œuvre d’un compositeur allemand pour appuyer son propos. Et se bidonner encore un peu plus quand on découvre que l’admirateur de Napoléon utilise une symphonie dont la première exécution fut donnée par le grand Ludwig le 8 décembre 1813… lors d’un concert à Vienne, événement de charité donné pour des soldats autrichiens blessés et moment d’exaltation des troupes de la sixième Coalition opposée à la Grande Armée de l’Empereur des Français.
Une fois le rire retombé – et pour continuer de conjurer l’effroi, on peut aussi picorer quelques exemples d’utilisations bien plus heureuses de ce mouvement lancinant et majestueux. Voici nos cinq itérations préférées du deuxième mouvement de la Septième Symphonie de Beethoven.
«Lola» de Jacques Demy (1961)
Une décapotable américaine qui arrive sur le front de mer de La Baule. En sort un mystérieux personnage, lunettes de soleil sur le nez, chapeau à larges bords sur le crâne et cigare au bec. Il s’avance vers la mer, impassible. Tire plusieurs bouffées sur son barreau de chaise. Plan sur son visage, travelling sur les flots, plan sur son visage. Il remonte dans sa caisse, démarre le moteur et la Septième Symphonie. Voilà comment s’ouvre Lola, de Jacques Demy. C’est franchement beau (bien plus qu’une vidéo de Zemmour).
«Le Discours d’un roi» de Tom Hooper (2010)
Toujours au rayon cinéma et plus proche de l’exercice zemmourien, on peut citer le Discours d’un roi (qui bégaie mais qui se soigne). Dans une séquence clé du film du réalisateur britannique Tom Hooper, le deuxième mouvement de la Septième Symphonie vient souligner l’adresse à la nation de George VI au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. Le souffle de Beethoven fonctionne à plein pour accompagner ce discours de 1939 (pour annoncer l’entrée du Royaume-Uni dans le conflit mondial) autrement plus enlevé que la lecture monocorde proposée par Eric Zemmour.
«Poème sur la 7e» de Johnny Hallyday (1970)
«Qui a couru sur cette plage ? Elle a dû être belle. Est-ce que son sable était blanc ? Est-ce qu’il y avait des fleurs jaunes ? Dans le creux de chaque dune ? J’aurais bien aimé toucher du sable…» Ce n’est pas là l’œuvre la plus connue de Johnny Hallyday et pourtant, elle mérite le détour. Poème sur la 7e annonce la couleur dans son titre : il s’agit d’un texte déclamé sur la Septième Symphonie, dans une sorte de pastiche de ce qu’a pu faire un Léo Ferré au cours de sa carrière. Chez Johnny, le poème n’est pas signé Louis Aragon mais Philippe Labro et il installe une étonnante ambiance post-apocalyptique. Sortie en 1970, la voici interprétée en 1992, à Bercy, par un Johnny possédé.
«Exposition/We can work it out» de Deep Purple (1969)
Sur «The Book of Talyesin», le deuxième album de Deep Purple, figurent deux emprunts de «tubes» de la musique classique : l’ouverture d’Ainsi parlait Zarathoustra de Wagner et le deuxième mouvement de la Septième Symphonie de Beethoven. Ce dernier introduit le double titre Exposition /We can work it out, qui est lui-même composé, dans sa deuxième partie, d’une reprise des Beatles. Le tout à la sauce psychédélique : bien plus tripant que le candidat d’extrême droite.
12 novembre 1989, premier concert d’un Berlin réunifié
Célébrer la réunification plutôt que la division ? Trois jours après la chute du mur, Daniel Barenboim et le Philharmonique de Berlin décident d’offrir un concert à leurs «frères de l’Est». Dans la nuit qui précède, certains dorment dans leur voiture pour ne pas rater ce moment. Pas de billet : il suffit de présenter ses papiers d’identité. A l’époque, la Philharmonie de Berlin était perdue dans le no man’s land donnant sur la frontière avec Berlin-Est. Au programme de ce concert exceptionnel, deux œuvres phares de Ludwig van Beethoven : la Septième Symphonie et le premier concerto pour piano.