Par l’utilisation de leurs morceaux ou la création d’une bande originale, les producteurs de musiques électroniques français se font entendre dans de plus en plus de séries télé. Cinq démonstrations de cette nouvelle french touch.
Nicolas Godin Au Service de la France
Pas un hasard si on retrouve aux manettes de cette série Jean-François Halin, scénariste des deux premiers OSS 117 façon Jean Dujardin. Même goût pour la parodie d’espionnage kitsch des années 60. Souvent hilarant. Le second degré est aussi pratiqué dans la musique de haut vol signée par celui qui est la moitié de Air, dont une certaine tonalité justement kitsch nourrit la marque de fabrique du duo. Mambo décalé, jazz lounge euphorique, twist maboul, la bande originale de la deuxième saison jongle avec jubilation entre les références des séries, enfin plutôt des feuilletons comme on disait à l’époque, qui ont marqué l’enfance de Godin, de Mission: Impossible à Mannix. Une jolie réussite qui donne certainement envie de voir et d’écouter une troisième saison. Sauf que ce n’est pas dans les projets du diffuseur Arte. Le moment de lancer une pétition.
Cascadeur Lupin
Incroyable. Dix ans pile après sa sortie sur l’album Human Octopus, le titre Meaning dans sa version chorale, se met soudain à cumuler les millions de streams. La raison de cet improbable hold-up ? Un mème sur TikTok ? Non, pas du tout. Simplement sa présence dans la bande originale de la série Netflix Lupin, carton planétaire de ce début d’année. De quoi braquer à nouveau les projecteurs sur ce producteur messin, toujours casqué tel un ex-Daft Punk, auteur de trois albums étranges au lyrisme exacerbé et assumé, jonglant entre les orchestrations acoustiques et électroniques. Certainement pas dans l’air de notre temps, jusqu’à ce que le gentleman cambrioleur, ce vrai seigneur, lui donne une nouvelle vie. Au risque quand même pour Alexandre Longo d’être désormais prisonnier de son titre. Jusqu’à implorer Lupin de venir le délivrer grâce à un de ces tours de passe-passe dont il a le secret ?
Saycet La Révolution
Contrairement à ce qu’on peut imaginer un peu trop facilement, toutes les séries lancées dernièrement par Netflix ne sont pas des réussites absolues. Exemple parfait avec la Révolution, uchronie sur les années qui précédent la Révolution française de 1789 où un mystérieux virus s’empare de la noblesse. Sous son emprise, les nobliaux, tels des vampires en rut, s’attaquent aux petites gens. Résultat : un affreux gloubiboulga trash. A la limite de l’accident industriel. Mais il y a quand même une chose à sauver, la B.O. signée par Pierre Lefevre alias Saycet. Le Parisien réussit à construire une aventure musicale tout en finesse tandis que le sang jaillit à gros bouillon sur l’écran. Une belle performance qui donne envie de l’entendre sur un scénario beaucoup plus flatteur.
Thylacine Ovni(s)
Pour mettre en musique la très réussie série de Canal + Ovni(s), plongée loufoque dans l’univers des ufologues de la fin des années 70 et du Gepan, le très réel Groupe d’études des phénomènes aérospatiaux non identifiés, l’Angevin Willam Rezé alias Thylacine s’est imposé des contraintes technologiques. Lui qui avait réalisé son premier album à bord du légendaire Transsibérien et le deuxième installé dans une caravane Airstream en pleine cordillère des Andes s’est dirigé vers le Smem, le Swiss Museum for Electronic Instruments, pour composer sur des machines d’époque la musique d’une série censée se dérouler en 1978. Le résultat, une électronique moderne conçue sur des machines préhistoriques, possède une patine seventies assez irrésistible. L’art de faire du neuf avec du (très) vieux.
Yuksek En thérapie
Etrangement, c’est par un film italien, Senza Nessuna Pietá (Sans pitié), que Pierre-Alexandre Busson, auteur de quatre albums de musiques électroniques flirtant avec le hip-hop ou la disco sous le nom de Yuksek, a commencé en 2014 sa carrière de compositeur de «musique à l’image». Depuis, il a multiplié les projets, écrivant pour Valérie Donzelli (Marguerite et Julien), le documentaire de Netflix sur l’affaire Grégory et bientôt l’adaptation de la BD de Fab Caro, Zaï Zaï Zaï. Décidément de plus en plus à la mode, le musicien basé a Reims vient de composer la musique d’En thérapie, la série a succès de Nakache et Toledano pour Arte. Pas certain que cela lui laisse beaucoup de temps pour un nouvel album.