Pour le commun des mortels, Duster, c’est un modèle de SUV. Pour une poignée d’amateurs éclairés, il s’agit d’un groupe de San Jose, Californie, qui a sorti, à la fin des années 90, deux disques sublimes mais terriblement confidentiels. Pour le public du festival Primavera à Bercelone, en mai, Duster était pourtant une tête d’affiche, acclamée par une foule compacte, fébrile – et accessoirement très jeune. A ce déconcertant décalage, une réponse, à laquelle on va finir par s’habituer : TikTok. Duster a en effet connu un succès aussi tardif que subit après que l’un de ses titres a été multipartagé sur le réseau social chinois – au point que le groupe ait reçu l’an dernier un disque d’or pour Inside Out, la chanson en question, initialement sortie en 1998 et cumulant à ce jour 239 millions de streams sur la plateforme Spotify. Et lorsqu’aux premiers rangs du concert, où l’âge varie entre 13 et 19 ans, on demande aux fans le style musical du groupe qu’ils sont venus voir, la réponse fuse, invariable : «shoegaze». Et tant pis si Duster n’est pas, techniquement, un groupe shoegaze – on est plutôt entre le post-rock et le slowcore, s’il faut être précis. L’enrobage hypno-spleenétique, les mélodies tragiques et l’esthétique 90s suffisent désormais à le rattacher à cette étiquette vieille de presque quarante ans pour lequel la très jeune génération s’est entichée – au point d’en redéfinir complètement les contours.

«Shoegaze», littéralement «regarder ses pompes». Le terme, né