Squarepusher, Dostrotime (Warp)
Rarement, parfois, une photo de presse nous ouvre les portes d’un disque. La plus frappante de celles révélées à l’occasion de la sortie de Dostrotime, le seizième album de Squarepusher, est réellement étonnante, livrant l’Anglais à notre regard sous une lumière crue, tenue normcore, cheveux en pétard au sommet d’un crâne dégarni. Une bonne tête d’ingénieur en informatique pour tout dire, à des lieux du saint patron de la drill and bass – ce sous-genre de musique électronique caractérisée par ses rythmes hypercomplexes et sa sauvagerie – que Tom Jenkinson incarne avec un swag tout britannique depuis l’arrivée sur terre de Feed Me Weird Things il y a bientôt trois décennies. Et dans les yeux doux, las, éventuellement déprimés de ce héros de longue date, bassiste estomaquant et inventeur de formes inestimable qu’on a vu réinventer le jazz rock avec un orchestre d’automates, on a trouvé de quoi lire tout Dostrotime, disque de musique électronique frénétique, sans parole et ponctuellement interrompu par des instrumentaux à la guitare, comme une confession intime dans la lignée de celles de Nick Drake ou de Dylan époque Blood on the Tracks. Quel anti Sainte-Beuve acharné pour nous en empêcher ? Jenkinson lui-même invoque les confinements de la pandémie, sa panique puis son euphorie, alors qu’il s’apprêtait à partir en tournée, face à ce cadeau du ciel, du temps, beaucoup de temps pour créer sans contrainte et sans projet de travail à contenter. En roue