Même dans un milieu électronique habitué à des collaborations qui sortent de l’ordinaire, l’alliance entre le Canadien Tiga et l’Ecossais Hudson Mohawke reste assez improbable. D’un côté Tiga et ses influences synthétiques, vétéran du clubbing montréalais, patron depuis un quart de siècle du label Turbo, meilleur ami de ceux qui comptent sur la scène (James Murphy de LCD Soundsystem, 2 Many DJs). De l’autre, Hudson Mohawke, sorcier du son de Glasgow, zélote d’une électronique concassée aux beats vrillés, apôtre d’une architecture sonore où les contraires s’attirent, tête chercheuse ayant trouvé refuge sur une maison à la mesure de sa démesure, Warp.
Qu’attendre de l’Ecstasy, fruit de l’union du glamour et de l’épilepsie ? Dès l’ouverture Exit Warehouse at Dawn (sortie de rave à l’aube), le ton est donné. Enregistré sur une période de quatre ans à Los Angeles, l’Ecstasy n’est pas un disque de club, mais de post-club. Il lorgne la fin de nuit, quand le corps, fatigué, n’écoute plus l’esprit, encore alerte malgré les heures passées sur le dancefloor. C’est cet entre-deux cotonneux, cette transition entre abandon et descente, ce mélange d’euphorie et de mélancolie, que cultivent les seize pistes d’un disque dominées par la présence de Tiga, HudMo (de son petit nom) semblant parfois réduit au rôle de faire-valoir chargé d’encrasser une machine bien huilée. Si cet objet électronique étrange tient parfois plus de la compilation que de l’album à proprement parler, c’est paradoxalement de cette hétérogénéité que vient son intérêt. Ne s’attachant à aucune chapelle, l’Ecstasy tire son épingle du jeu en passant du minimalisme sombre aux envolées extatiques, d’une piste acid house efficace, mais vaine (BUYBUYSELL) à un classique instantané de house charnelle illuminé par la voix du génial Channel Tres (Feel the Rush), d’une pièce à la dramaturgie impressionnante (IN ORDER 2) à une néo-trance striée des beats vrillés de Mohawke (Ascending Into The Clouds). Plus qu’une curiosité, un exercice de style.
Tiga & Hudson Mohawke L’Ecstasy (Love Minus Communications)
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