Cet album a bien failli s’appeler Fight Fascism With Trash Music. Et si ses auteurs, à savoir la chanteuse américaine Merrill Garbus et son compatriote producteur Nate Brenner, ont finalement choisi de le nommer Better Dreaming, il demeure habité par les maux qui pèsent sur le monde occidental et par le désir, brûlant, de se positionner en faveur des plus vulnérables face aux menaces qui pèsent sur leurs libertés. Il règne ici un tiraillement à proposer une esthétique optimiste et dansante en ces temps si troublés. Quelle est alors la solution à cette forme de culpabilité ? Dans les textes, Merrill Garbus dépeint par exemple ses amis issus des minorités de genre, leurs visages, leur beauté, leurs tourments, sur le morceau How Big is the Rainbow, et confère à Better Dreaming un aspect éminemment collectif en dédoublant sa voix, en se faisant chœur, et finalement armée prête à se lever face aux dangers.

Ce sixième long format format du duo Tune-Yards – le premier a paru en 2009 – est également celui d’une simplicité triturée, affinée. Les chansons, écrites selon un procédé classique d’accords au piano ou à la guitare surplombés d’une voix tranchante, sont ensuite habillées d’effets électroniques et massifs dans un amas de sons qui transforme, parfois, les éléments musicaux en bruits. Nate Brenner brise là toute monotonie. Il s’inspire un peu de la démarche de George Clinton et de sa science de l’habillage sonore, comme sur le morceau Limelight, ou d’idées développées par Portishead au début de leur carrière, lorsqu’ils épuraient leurs productions pour les distordre en leur ajoutant une touche résolument soul. Des références déjà anciennes qui ne doivent cependant pas masquer l’actualité de Better Dreaming, disque totalement imprégné de son époque. Combat-il le fascisme ? A sa manière, peut-être. Est-il un album habité par la notion de matière et de lutte en faveur des plus fragiles ? Assurément. Cela revient-il au même ? Oui.

La lutte par la musique et l’hédonisme n’a rien de secondaire. En son temps, la formation p-funk Funkadelic l’a maintes fois prouvé, influençant des générations entières, dont Tune-Yards.

Parce que les voix de Merrill Garbus et de Brittany Howard sont hantées du même feu, que la démarche soul les réunit et que leur musique est également intense, risquons-nous à les rapprocher.

Le dernier album en date de la chanteuse et compositrice britannique originaire de la Jamaïque est lui aussi peuplé de voix massivement dédoublées, de chœurs artificiels apportant puissance et beauté.