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Dans les Ab-bacs

«Voyage» d’Abba, un album à kitsch ou double

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Bonbon nostalgique aux douces harmonies ou horreur de mauvais goût ? Le nouvel album des Suédois, qui sort ce vendredi, quarante ans après leur dernier single, nous balance à la figure un inextricable dilemme esthétique.
De gauche à droite, Björn Ulvaeus, Agnetha Fältskog, Anni-Frid Lyngstad et Benny Andersson. (Baillie Walsh/Baillie Walsh)
publié le 5 novembre 2021 à 0h00

Une musique peut-elle être sublime et atroce à la fois ? La question, qui n’est pas qu’un sophisme comme les rock critics adorent en sortir de leur besace râpée, se pose dès qu’une chanson nous trouble parce qu’elle nous écœure autant qu’elle nous exalte. Pour percer le paradoxe, on peut tenter de séparer la forme du fond, ou encore la part intemporelle de l’actuelle, celle due à la volonté «sincère» de l’auteur de s’exprimer artistiquement de celle intéressée d’avoir du succès. Mais l’ambivalence d’une chanson populaire à son ère industrielle est qu’elle agit de deux façons, la première qui la lie au goût du moment, la deuxième à l’absolu indéfinissable de la musique, et que la frontière qui les sépare n’a de cesse de se mouvoir au gré des modes et des saisons. Ainsi en va-t-il d’Abba, groupe suédois hyper populaire à une époque révolue, hyper ringardisé après son dépérissement progressif, puis revenu en odeur de sainteté pop comme un jalon de grâce et de savoir-faire au fur et à mesure qu’il devenait monument historique, et que l’époque tout autour nous la faisait écouter, apprécier et tolérer autrement. Le retour sur disque du quatuor presque quarante ans après Under Attack, son dernier single avant la diaspora de ses membres, confirme l’intense dualité de leur musique, qui profite en sus d’avoir accédé à une sorte d’intemporalité grâce à tout ce dont elle s’est délestée avec les années, et tout ce qu’elle a acquis à travers les étapes successives de la réhabilitat