Menu
Libération
Monuments en péril

Opéra national de Paris : la Cour des comptes alerte sur l’urgence de rénover Bastille et Garnier

Dans un rapport rendu jeudi 24 octobre, l’autorité de contrôle souligne l’état de dégradation des deux salles. Le document pointe la responsabilité de l’Etat dans ce vieillissement qui pourrait entraîner la fermeture successive des deux scènes, dès 2027, pour des rénovations d’ampleur.
L'Opéra Garnier, à Paris, pourrait fermer ses portes dès 2027 pour être rénové. (Air Pano/Only France. AFP)
publié le 25 octobre 2024 à 16h42

Coup de théâtre à l’Opéra de Paris. Ses deux scènes, à Garnier et Bastille pourraient successivement être contraintes de fermer temporairement à partir de 2027. La Cour des comptes s’est penchée sur la situation de l’établissement depuis l’exercice 2015 jusqu’à aujourd’hui. Dans son rapport rendu le 24 octobre, la juridiction financière salue le travail des équipes d’Alexander Neef pour le retour à l’équilibre financier en 2023 après une décennie compliquée. Sur la période étudiée, marquée par la crise du Covid et l’inflation, les coûts de production annuels avaient atteint 40,80 millions d’euros en moyenne (contre 37,5 millions avant 2019). Ils sont revenus à 38 millions d’euros environ depuis 2022.

Mais le document est surtout consacré à l’état du patrimoine immobilier de l’Opéra national de Paris (OnP). La Cour des comptes rappelle que de nombreux diagnostics ont attesté d’un «état de vieillissement avancé et de la fatigue de nombreux équipements techniques due à une exploitation intense des lieux». Les magistrats constatent même un «réel caractère d’urgence» à l’Opéra Bastille.

Cette aggravation continue, dont plusieurs études avaient déjà rendu compte, n’a pas été freinée à temps, conduisant à l’alarmant constat de la Cour des comptes. Le principal responsable désigné : l’Etat, notamment par l’intermédiaire du ministère de la Culture, qui n’aurait pas traité le problème à sa juste mesure à force de tergiversations et projets avortés. Pour la juridiction financière, du temps et de l’argent ont été perdus dans des initiatives telles que la Cité du théâtre ou celui d’une scène modulable à Bastille, qui ont fini par être enterrées en 2023. Des errances qui «ont eu des conséquences coûteuses en ce qu’elles ont incidemment créé des incertitudes sur la stratégie et favorisé des reports d’investissement de l’OnP», selon la Cour des comptes.

Des fuites dans les toitures et «des signes de vétusté»

Un programme de rénovation est en cours au Palais Garnier depuis 2015 mais la surfréquentation des lieux, entre visites et locations privées, a accéléré le taux d’usure du bâtiment d’après le rapport. Inauguré en 1875, le monument doit aussi moderniser des espaces techniques comme les moteurs des cintres de la cage de scène.

Mais c’est surtout l’Opéra Bastille qui préoccupe la Cour des comptes. «Un audit de 2019 souligne les nombreux signes d’obsolescence du site et de vétusté et confirme la rénovation indispensable du clos et couvert et de nombreux équipements», rappelle-t-elle dans son rapport. La juridiction financière liste de nombreuses urgences dans ce lieu «après 32 ans d’activité sans opération [de rénovation] d’ampleur». Etanchéité des toitures-terrasses, modernisation des équipements de scène, réduction de la consommation du plafond lumineux et rénovations des espaces publiques : les besoins s’accumulent.

Selon la Cour des comptes, l’urgence nécessite un plan d’investissement estimé «à ce stade, à au moins 200 millions d’euros d’ici 2030, afin d’entreprendre les grands travaux nécessaires» sur chacun des sites de l’Opéra de Paris. Une somme s’expliquant, en partie, par les 40 millions d’euros que coûteraient les travaux les plus urgents à Bastille et les 80 millions à prévoir pour les travaux patrimoniaux «devenus indispensables» à l’Opéra Garnier. «Ce besoin considérable, susceptible d’évoluer à la hausse, devrait conduire à des périodes de fermeture prolongées, en alternance, au Palais Garnier puis à l’Opéra Bastille», précise le rapport. L’hypothèse privilégiée est celle d’une fermeture de 24 mois pour Garnier dès juillet 2027 avant que Bastille ne ferme ses portes à partir de juillet 2030 pour la même durée.

La Cour des comptes estime que les deux chantiers pourront être financés en utilisant les 50 millions qui avaient été alloués au projet avorté de salle modulable à Bastille (dont 6 millions ont déjà été utilisés pour des études, soit 44 millions encore disponibles). L’Opéra national de Paris pourra aussi compter sur 35 millions d’euros de subventions d’investissement apportés par l’Etat. Les recettes générées par les bâches publicitaires déployées sur la façade de Garnier pendant le chantier permettraient également d’engranger 28 millions d’euros. La capacité d’autofinancement de l’Opéra, quant à elle, est espérée à 40 millions d’euros entre 2024 et 2030. Il faudra encore trouver 47 millions d’euros pour atteindre les 200 millions d’euros de travaux estimés par la Cour des comptes. Cette dernière propose notamment de miser sur le mécénat.