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Patrice Chéreau : «Son stakhanovisme le préservait de la tyrannie»

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Dix ans après la mort du metteur en scène, cinéaste et cofondateur de l’école des Amandiers, Arte diffuse l’éclairant documentaire de Marion Stalens, «Irrésistiblement vivant». Pour «Libération», quatre comédiens ayant travaillé avec lui ont ravivé leurs souvenirs.
Patrice Chéreau à Nanterre, en 1983. (Sophie Bassouls/Sophie Bassouls)
publié le 5 octobre 2023 à 16h19

Patrice Chéreau détestait les commémorations, qu’il comparait à des conseils d’administration : «Parler de quelqu’un que j’ai très bien connu à des gens qui ne l’ont pas connu, cela ne se règle pas en une heure. Je n’ai pas envie de faire la veuve.» Il est mort à 68 ans, le 7 octobre 2013. Cela fait donc dix ans qu’il n’est plus, et la mémoire est fragile, encore plus lorsqu’elle touche aux spectacles vivants, pour la plupart voués à l’anéantissement. Patrice Chéreau – cinéaste (la Reine Margot, Ceux qui m’aiment prendront le train), cofondateur de l’école des Amandiers, deux fois directeur de théâtre public dont, la première fois, à seulement 22 ans, du centre dramatique national de Sartrouville – est-il aujourd’hui oublié ?

«Franchement, j’ignorais tout de son travail avant de faire des études des arts du spectacle à Paris-X, puis d’intégrer la Belle Troupe, [une formation pour acteur du CDN de Nanterre-Amandiers, ndlr], explique le jeune comédien Paul Thouret. Pour moi, il était le cinéaste de la Reine Margot, et c’est à peu près tout. En revanche, en passant nos journées dans les ateliers de décors qu’il aurait voulu transformer en studio de cinéma pérenne, on est tous les jours imprégnés du gigantisme de son utopie. Ce qui me frappe dans les documents d’archive, c’est sa manière de diriger un à un, pas à pas, chacun des acteurs. Il y a une danse entre lui et son acteur. Il apparaît dans ses doutes, assez fragile, presque effrayé. On