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Libération
Témoignage

Paul Auster «était un écrivain-monde, un écrivain universel», pour Françoise Nyssen

Paul Austerdossier
Patronne d’Actes Sud, l’ancienne ministre de la Culture est l’éditrice historique de l’auteur américain mort mardi 30 avril chez lui à New York. Elle livre à «Libération» quarante ans d’une relation humaine et artistique.
Paul Auster recevant le prix Prince des Asturies en Espagne, le 20 octobre 2006. (Eloy Alonso/REUTERS)
publié le 1er mai 2024 à 13h10

Ses romans sombres et existentialistes sur des écrivains solitaires, des étrangers et des marginaux lui ont valu un énorme succès, en Europe particulièrement. L’auteur américain Paul Auster est mort mardi 30 avril chez lui à New York, à l’âge de 77 ans, des suites d’un cancer du poumon. Son éditrice historique était Françoise Nyssen, la patronne d’Actes Sud. Avec son mari, Jean-Paul Capitani, mort il y a un an des suites d’une chute à vélo, ils étaient très proches du couple que formait Paul Auster avec l’écrivaine Siri Hustvedt, également publiée par Actes sud. Pour Libération, l’ancienne ministre de la Culture (mai 2017 - octobre 2018) revient sur sa relation avec l’auteur américain et son œuvre, parmi de nombreuses réactions laudatives.

«La vie est ce qu’elle est, on perd des êtres très chers et plus que jamais le lien, l’amitié et les livres sont nécessaires. Paul Auster, je le connaissais depuis quarante ans. Sa fille, Sophie, et ma fille Pauline, nées quasi en même temps, ont été présentées quand elles étaient bébés. Quand j’ai lu son premier livre, la Cité de verre (1985), j’ai écrit à tous les libraires pour leur en parler tellement il m’avait plu. Et les libraires ont beaucoup contribué à son succès. Il avait un talent exceptionnel, cette voix à lui, singulière, et une façon de raconter des histoires à travers des méandres insondables. Son dernier livre, Baumgartner, est très introspectif, il porte sur la vieillesse, la vie, l’acte de création… Tous ses livres sont très différents les uns des autres, c’est ça qui est intéressant. Ce que je retiens de lui, c’est surtout sa capacité à raconter des histoires et à convoquer l’Histoire, l’actualité, le monde tel qu’il est. C’était un écrivain-monde, un écrivain universel.

«On a la grande chance de publier Siri Hustvedt et il se trouve que c’est la femme de Paul Auster, je le présente comme ça car elle a beaucoup souffert d’être vue comme “la femme de Paul Auster”. Le premier livre qui a fait émerger Siri Hustvedt c’est Tout ce que j’aimais (2003) auquel Paul Auster a répondu par Dans le scriptorium (2007). Ils s’adoraient, ils se répondaient, ils s’encourageaient. Ils sont venus en 2022 passer des vacances ici, à Arles, avant que Paul tombe malade. Son dernier grand bonheur, cela a été la naissance du fils de Sophie, Miles, le 1er janvier.»