Ils se prénomment Mike, Robert ou Travis… Ils ont la cinquantaine – ou beaucoup plus –, le poil grisonnant, des plis sur le ventre et le sexe mollasson. Tous se sont laissés photographier par l’Américaine Carolyn Drake, en caleçon, ou nus comme des vers, pataugeant tel un sanglier dans la boue, caché par un drap bleu ou un morceau de carton… Il y a même Wallace, modèle sadomasochiste, pendu par les pieds comme une vulgaire carcasse à l’abattoir, la barbe en éventail et le sang monté à la tête… Dans sa saisissante exposition à la Fondation Henri Cartier-Bresson, et dans son dernier livre, Men Untitled, la photographe Carolyn Drake, lauréate du prix HCB 2021, s’intéresse à la masculinité, dans la lignée de pas mal de femmes photographes qui s’approprient actuellement le genre du nu, pour mieux redéfinir le regard contemporain. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que Carolyn Drake n’est pas tendre avec les hommes, bien que ses photos leur manifestent de l’empathie. A moins que ce ne soient les modèles eux-mêmes qui inspirent leur assujettissement ? Ou le regard qui change sur le masculin ?
C’est précisément dans cette zone grise que s’exprime le talent de Carolyn Drake, avec des photographies ambiguës, émouvantes