Menu
Libération
Exposition

A la Tiny Gallery de Bruxelles, retouche vers le futur

La galerie bruxelloise présente avec «Illusory Love» les fascinants portraits d’ancêtres d’Olivier Guyaux, générés par une intelligence artificielle et imprimés via des procédés anciens.
Un portrait créé par une intelligence artificielle, dans l'exposition «Illusory Love». (Olivier Guyaux)
publié le 17 décembre 2022 à 5h03

Légèrement en retrait de la place Flagey, une des vastes esplanades animées de Bruxelles, la Tiny Gallery, ouverte en mars 2020, s’impose à bas bruit comme un lieu soustrait aux contingences du quotidien citadin. Pour qualifier ce qui s’y trame dans une trompeuse quiétude surannée (huit collaborateurs, de six nationalités différentes), Olivier Guyaux, qui anime l’officine arrimée au parcours «Photo Brut 2», parle de «répit culturel, concentré sur une photographie lente, guidée par la simplicité du geste».

«Acte instinctif»

Aussi énigmatique qu’engageant, l’énoncé renvoie en fait à la pratique amateur, telle qu’on la concevait aux prémices du médium, dans les années 1860, jusqu’à l’entre-deux-guerres. Un «acte instinctif, pas destiné à entrer dans le cadre artistique», mais que l’on contemple aujourd’hui avec une tendre déférence, dans l’antre constellé de cyanotypes, tintotypes et autres albumines. Des scènes ordinaires où l’on joue, trinque, se balade, prend la pose en famille, ou entre amis. Et puis, il y a également cet ensemble fascinant de portraits d’hommes et de femmes, bien mis de leur personne, qui fixent l’objectif, l’air pénétré ou farouche sans doute accentué par la solennité d’une situation qui, à la fin du XIXe siècle ou au début du XXe n’était guère fréquente.

Ancêtres sans parents

La série porte le titre «Illusory Love» et ne dévoile rien de l’identité des êtres représentés… pour la simple raison qu’ils n’ont jamais existé. Magie ou malédiction des temps modernes, c’est en effet l’intelligence artificielle qui, par le truchement d’une minutieuse description textuelle, a généré cette galerie apocryphe d’ancêtres sans parents, ni descendance, peaufinée des mois durant au moyen des matériaux et techniques d’autrefois (albumine, bromure d’argent, papier chiffon, insolation…). Un florilège ectoplasmique qui n’est pas sans poser question, de l’aveu même de l’apprenti-sorcier, Olivier Guyaux, par ailleurs spécialisé dans la numérisation du patrimoine culturel (il a travaillé pour le Prado, l’école de La Cambre, la Fondation Niki de Saint Phalle…), pointant «les dangers» d’un subterfuge brouillant les frontières chronologiques d’une authenticité si pernicieusement falsifiée.

«Illusory Love», Tiny Gallery, 26 rue de la Cuve à Bruxelles, jusqu’au 19 mars.