Menu
Libération
En images

«Allfather» de Sébastien Van Malleghem, face à la nature sauvage

Après un long cycle de travail sur la justice en Belgique, la Libye post-Kadhafi, les marginaux à Berlin ou les morgues mexicaines, le photographe belge a laissé libre cours à sa fascination pour la nature, dans ce qu’elle a de plus sauvage.
En Floride, en 2018. «Un alligator nage paisiblement alors que je me tiens en équilibre sur une sorte de rocher. J'irai ensuite nager au milieu des reptiles pour faire quelques photos sous l'eau.» (Sébastien Van Malleghem)
par Sébastien Van Malleghem
publié le 10 février 2022 à 20h57

«Imaginez voir des aurores boréales qui apparaissent dans le ciel sans pouvoir expliquer le phénomène ou être sur un bateau de pêche dans un hiver rude et noir et soudainement être entouré de créatures géantes et aquatiques qui nagent autour de vous… J’ai réfléchi à la façon dont les hommes devaient imaginer le monde quand il n’y avait quasiment pas de cartes, aucune information, où les océans étaient sans limites connues. Le monde était magique, inexpliqué. J’ai aussi beaucoup travaillé sur les changements climatiques, et leur impact notamment aux Etats-Unis et en Europe. De manière générale, j’ai toujours été fasciné par la nature.

J’alterne souvent entre un livre documentaire et un livre personnel. Cela me permet de continuer à m’exprimer de différentes manières, et à faire évoluer mon regard tout en veillant à montrer des images du monde réel. Sa beauté, sa force, sa dangerosité. Après Nordic Noir, qui était une exploration poétique et romantique de la Scandinavie, j’ai eu envie de photographier cette nature sauvage, et l’eau qui me fascine depuis que je suis enfant. Il y avait aussi l’idée de montrer la survie, l’instinct animal, d’être en proie face à la nature, en allant me mettre dans des situations assez extrêmes.

L’année dernière, au mois de décembre, je suis parti en Arctique (en pleine crise du Covid) au milieu de la mer et des fjords. Je plongeais dans le noir, dans le froid, photographier des orques qui chassent du hareng. La lumière était quasi nulle. Et la seule que je pouvais distinguer depuis l’île où j’étais basé était un léger filet doré au-dessus des chaînes de montagnes de la Norvège. J’ai voulu retransmettre ce sentiment, cette vision quasiment “sacrée” dans l’obscurité. Or, le sacré, pour l’homme, est souvent montré à travers l’or (enluminures, églises, symboles de pouvoirs, etc.). Avec mon graphiste, lors de la conception du livre, nous avons donc allié ce “doré” avec la nature, que je considère comme sacrée, extrêmement puissante et fragile à la fois.

Je me suis aussi inspiré de Gustave Doré et des peintures romantiques allemandes et anglaises, comme Caspar David Friedrich, William Turner et William Blake, qui font écho à la beauté du monde et à la condition humaine. Dans Allfather, tout est bouillant, énergique, très intense et toujours, sans doute, noir parce qu’on connaît la fin de l’histoire. Je pense voir la vie comme ça, et c’est ce que je voulais montrer.»

Images d’actualité, du quotidien, d’art ou grands noms de l’histoire de la photographie… Retrouvez chaque semaine dans la rubrique «En images» du site de Libération les choix du service photo du journal, qui privilégie les écritures singulières, innovantes ou étonnantes. Et parce que c’est depuis toujours une préoccupation de Libération, découvrez également nos pages Images dans l’édition du week-end.