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Libération
Edito

Aux Rencontres d’Arles, chaos politique contre oasis visuelle

Les Rencontres d'Arles 2024dossier
La programmation des 55es Rencontres de la photo, tournée vers le monde, ses bizarreries, ses convulsions et ses poches de résistance, ramène à la nécessité de regarder l’art quand tout fout le camp.
«Atlas» de Nhu Xuan Hua et Vimala Pons. (Nhu Xuan Hua et Vimala Pons)
publié le 5 juillet 2024 à 19h37

On pensait avoir tout vu… Une édition flinguée par la pandémie, une autre léchée par les feux de forêt, et voilà que la première semaine des 55es Rencontres de la photographie d’Arles se trouve au cœur d’une élection historique où l’extrême droite veut prendre toute la place sur la photo. «Un peu d’ordre, ça fait pas de mal, c’était la guinguette, ici, avant», remarquait une commerçante arlésienne lundi. La veille au soir, on entendait surtout «C’est un putain de cauchemar». Au théâtre antique, mardi, c’est avec «émotion et préoccupation» que le directeur du festival, Christoph Wiesner, a donné le coup d’envoi, après que toute son équipe est montée sur scène pour rappeler la menace du RN sur les métiers de la culture. Devant un public fébrile et conquis d’avance, il a martelé les valeurs «progressistes, féministes, écologiques et antiracistes» du festival en faveur «de la diversité, de la création, de la liberté d’expression, de l’altérité, de la pluralité des regards, de l’humanisme et de la tolérance».

Alors, dans un tel chaos politique, comment ne pas voir Arles telle une oasis de culture visuelle ? Et si le festival aux 41 expositions pour environ 200 photographes se voit de plus en plus associé aux marques, aux prix, aux galeries, aux grandes enseignes, on mesure l’amplitude d’une programmation tournée vers le monde, ses conflits, ses convulsions et ses poches de résistance, comme au Liban (Randa Mirza), en Colombie, au Japon, en Chine (Mo Yi), au Mexique (Cristina de Middel) ou aux Etats-Unis (Debi Cornwall)… La scène française, inventive et engagée, est aussi bien représentée (Nicolas Floc’h, Stephen Dock, Marine Lanier, Nhu Xuan Hua, Stéphane Duroy…), tandis que la sensibilité humaniste de l’américaine Mary Ellen Mark irradie l’espace Van Gogh.

Sensible au bordel ambiant, Libé a demandé aux festivaliers de décrire la photographie mentale de leur état d’esprit. Comment regarder l’art alors que tout fout le camp ? Chamboulés, unis dans l’adversité et avides de shots de joie au vu du contexte, on a d’abord puisé dans cette édition des visions étonnantes, des images baroques, des archives étranges, voire complètement pétés du casque. Vous avez dit what the fuck ? Nous aussi…


Demandez le programme !

Bouteille d’eau, antimoustique, semelles souples… Du parc des ateliers (où la belge Astrid Ullens de Schooten Whetnall montre sa démente collection) jusqu’au musée départemental de l’Art antique qui expose les collections du Musée olympique et de Photo Elysée, quelques enjambées et de bonnes chaussures sont nécessaires pour tout visiter. Peut-être vous faudra-t -il aussi poser des congés supplémentaires – la plupart des expositions terminent le 29 septembre – pour aller jusqu’à l’abbaye de Montmajour où batifolent les ama, ces «femmes de la mer» japonaises qui plongent pour remonter des ormeaux, un caviar marin très prisé au Japon (nous y reviendrons). Vaste programme aussi dans le Grand Arles Express qui essaime jusqu’à Aix et dans le Var avec un nouveau lieu, l’abbaye de la Celle, récemment rénovée. On y trouve Raphaël Dallaporta qui y un fait un «Eloge au temps» avec un cadran solaire géant. A Mougins, place à Stephen Shames, témoin des Black Panthers, et aux Paradis naturistes au Mucem (Marseille). Toujours à Marseille, ne pas manquer les géniales natures mortes politiques et poétiques d’une des figures majeure de la photographie polonaise, Grzegorz Przyborek.