La première fois, on s’y est retrouvés par hasard, hagards et tremblants, recrachés tels de vulgaires touristes par les lumières stroboscopiques de Times Square, se maudissant d’avoir osé louer des vélos dans la nation des engins à moteurs vrombissants et klaxons tonitruants. Central Park ! On aurait embrassé de gratitude l’urbaniste bienveillant qui, au milieu de la ville folle, a placé un colossal havre vert pour les inadaptés du macadam. Mais on connaît moins l’envers de la construction du parc : comme tout important projet urbain, il est précédé par la violence des expropriations. Ainsi, la partie nord-ouest était habitée au XIXe siècle par la première communauté d’Afro-Américains libres de New York, Seneca Village. En 1857, ses occupants sont forcés de partir, le village est détruit. Donavon Smallwood vit à Harlem depuis ses 7 ans, à quelques rues de là. Central Park est son refuge, un amour fidèle, de 400 coups ou de siestes. Quand vient le printemps 2020 et ses dystopiques annonces de confinement, le parc, au sommet de sa grâce, n’est que bourgeons en éclosion et grenouilles en reproduction. Le photographe afro- américain y erre, croise et recroise les mêmes locaux, comme lui assignés à résidence dans la ville tentaculaire, cherchant une échappatoire à l’horizon limité d’un appartement que d’autres ont remplacé par un champêtre cottage Upstate.
Loin des mises en scène bardées de béton
C’est avec cette tendresse pour le parc, mais aussi son histoire, de l’expulsion de Seneca Village aux tensions raciales dont