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Dans l'œil de Libé

Christian Sanna : le moraingy, un combat comme une épopée

Le photographe, qui vit entre Paris et Antananarivo, expose à Arles son travail autour de cette lutte traditionnelle, à la fois sport et manière de se reconstruire pour les jeunes malgaches laissés-pour-compte.
Portrait de Fagnorolahy #10, Nosy Komba, 2015.
publié le 1er août 2023 à 10h30

A Arles, l’exposition «From Antananarivo to Arles» (1) met jusqu’au 19 août en en valeur le travail de six photographes malgaches qui documentent leur pays de l’intérieur… «Ces photographes disposent de peu de moyens pour se faire connaître et mieux vivre de leur travail : presse locale peu dynamique et peu diffusée, quasi-absence de lieux d’exposition en dehors de la capitale, décrivent les commissaires de l’exposition. Le relatif isolement du pays sur la scène internationale, ses difficultés économiques récurrentes, sont des éléments qui contribuent également à cette méconnaissance de la création photographique malgache. Dans ce contexte, les talents émergents tardent à se faire connaître et à s’épanouir.» Du 31 juillet au 5 août, Libé présente le travail de ces six photographes. Ce mardi, celui de Christian Sanna consacré au moraingy, un sport de combat pratiqué sur la côte ouest de Madagascar par les Sakalava. Dans le passé, on le pratiquait comme jeu, comme moyen de se défendre, et comme un entraînement à la guerre. Pendant un moraingy, l’adversaire n’est pas vu comme un ennemi mais un moyen de se construire.

Christian Sanna a choisi de documenter ce sujet qui témoigne de l’engouement des jeunes malgaches de l’île de Nosy Be pour une pratique sportive à caractère indigène et traditionnel. Elle représente pour ces derniers une balise à partir de laquelle mettre en place un processus de résilience au regard des traumatismes engendrés par l’occidentalisation de l’île pour servir les besoins du tourisme. Avec ses photographies en noir et blanc, Christian Sanna réalise des séries de portraits de lutteurs assis face à l’appareil et regardant l’objectif avec assurance et détermination.

Les moments d’échauffements, d’entraînements, ou de solitude évoquent la préparation à la lutte, à la fois lutte intérieure et manière de se reconstruire pour les jeunes laissés-pour-compte des mutations de l’île. Pour les scènes de combat, les lutteurs sont saisis dans des poses classiques suspendues dans le temps, inscrivant les corps dans une gestuelle appartenant au vocabulaire de l’épopée héroïque.

Christian Sanna, 34 ans, qui vit et travaille entre Paris et Antananarivo, est originaire de Nosy Be. Il commence la photographie en 2013 tout en voyageant régulièrement à Madagascar pour ses premiers projets. Son travail, qu’il qualifie de sentimental, emprunte aux codes de la photographie documentaire en se construisant dans une lecture émotionnelle et sensible du réel.

(1) «From Antananarivo to Arles» à la galerie Aux Docks d’Arles. Commissaires : Marie Lelièvre et Rijasolo.

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