Menu
Libération
Dans l'œil de Libé

EN IMAGES - En Finlande, des soirées entre gnons et bastons

En 2006, le photographe et chercheur Harri Pälviranta a documenté les week-ends finlandais, où il est courant que les hommes, alcoolisés, se battent. Une immersion disponible dans «Battered», sa série éditée chez Kult Books cet automne.
«Frappé à la tête, 1 h 05». Harri Pälviranta a horodaté chacune de ses prises de vues, de 19 h 30 à 5 h 15. (Harri Pälviranta)
par Harri Pälviranta
publié le 12 avril 2023 à 10h27

Les nuits de week-end en Finlande, il arrive que les hommes, alcoolisés, se libèrent de leur inhibition. Les agressions tournent alors à la baston : sang qui gicle, nez brisés, coquards, dents cassées… C’est un problème de société fréquemment abordé dans les médias, que le photographe finlandais Harri Pälviranta a suivi en 2006 et 2007. Toujours penché sur la violence, qu’il accompagne d’une réflexion sur la masculinité, le chercheur a déjà travaillé sur les cellules des prisonniers politiques (dans Prison Sheets, 1999-2005) puis a construit en 2013 un impressionnant corpus sur les tueurs de masse dans les écoles.

Sa série «Battered» a été éditée cet automne chez Kult Books, et est disponible en France. A propos de ces soirées, qu’il suivait de 19 h 30 à 5 heures du matin, il dit : «J’ai beaucoup de souvenirs intéressants de cette époque – des choses désagréables mais j’ai aussi été témoin de moments joyeux et plein d’amour, moments que j’ai aussi photographiés mais que je n’ai jamais publiés. En fait, la plupart de mes souvenirs ne sont pas sur mes photographies. Ce sont des souvenirs en dehors du cadre. Par exemple, je me souviens de groupes de gens qui regardaient les bastons et qui ne faisaient rien pour empêcher qu’elles aient lieu. J’avais l’impression que ces gens étaient des spectateurs et qu’ils regardaient un match de sport. Un soir une femme “spectatrice” est venue me voir furieuse, m’accusant de faire des photos pour la presse à scandale. J’ai essayé de lui expliquer ce que je faisais mais elle ne m’écoutait pas du tout. Alors je lui ai dit : “Non mais franchement quel journal publierait ces photos ?” La femme s’est subitement arrêtée de crier et m’a demandé pourquoi ces photographies ne pourraient pas être publiées dans la presse. Je n’ai pas su quoi lui répondre. Je me suis senti désolé pour elle, qu’elle ait adopté ce rôle de “célébrité” et qu’elle ait cru qu’elle pourrait être vue à la télé. La plupart du temps, lors de ces soirées, je me sentais vide et j’étais sans voix. Les évènements et tout ce qu’il y a autour me semblaient vides de sens, sans aucune raison d’être.»

Battered de Harri Pälviranta. Kult Books. 64 pages, 39 €.

Images d’actualité, du quotidien, d’art ou grands noms de l’histoire de la photographie… Retrouvez dans la rubrique «En images» du site de Libération les choix du service photo du journal, qui privilégie les écritures singulières, innovantes ou étonnantes. Et parce que c’est depuis toujours une préoccupation de Libération, découvrez également nos pages Images dans l’édition du week-end.